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Une particule trop lourde bouscule la physique

L’anomalie a été découverte dans les vieilles données du Tevatron, un accélérateur de particule américain : le boson W, une particule connue depuis 1983 s’avère plus lourde que prévu. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est la grande question. Cela pourrait remettre en cause le modèle qui décrit toute la matière de l’univers. 

Article rédigé par franceinfo - Mathilde Fontez
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des techniciens travaillent sur le Tevatron, un accélérateur de particules américain en janvier 1988. Il a fonctionné entre 1984 et 2011. Il a fallu 10 ans aux physiciens pour traiter des millions de bosons W, et déduire sa masse.   (CORBIS HISTORICAL VIA GETTY IMAGES)

Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon, évoque aujourd'hui une découverte annoncée il y a quelques jours qui fait beaucoup de bruit dans le domaine de la physique. 

franceinfo : On a mesuré la masse d’une particule, et elle est trop élevée, ce qui pourrait vouloir dire que les théories de la matière sont à réécrire ? 

Mathilde Fontez : Oui, la valeur de masse qui avait été mesurée par le passé, et surtout, qui avait été prédite par la théorie tournait autour de 80 357 méga-électronvolts. Et la masse qui vient d’être publiée par une collaboration de près de 400 physiciens est de 80 443,5. Alors, on est d’accord, la différence n’est pas énorme : seulement 0,09%. Mais ces mesures sont précises : cette différence suffit à dire qu’il y a un problème, qu’il y a quelque chose qu’on n’a pas compris.  

C’est une particule de matière qui a été mesurée ?

C’est une particule élémentaire qui s’appelle le boson W : une particule de la même famille que le photon, la particule de lumière. Sauf que le boson W ne transmet pas l’électromagnétisme, il transmet une force nucléaire : il participe à la radioactivité. Il a été découvert en 1983, et beaucoup étudié depuis, dans les collisionneurs de particules, ces grands tunnels dans lesquels on propulse des particules à la vitesse de la lumière, pour qu’elles s’explosent les unes contre les autres, et qu’elles donnent naissance à des particules secondaires que l’on peut étudier.

Ce sont des données de ce type qui parlent aujourd’hui : des données du Tevatron, un collisionneur américain qui a fonctionné entre 1984 et 2011. Il a fallu 10 ans aux physiciens pour les traiter, extraire le signal correspondant à des millions de bosons W, et déduire sa masse.  

Et donc, le boson W est trop lourd ? 

Un poil trop lourd oui. Alors on pourrait se dire qu’on s’est simplement trompé sur cette masse, que ça ne change pas grand-chose. Sauf que dans la théorie de la matière - cette théorie s’appelle le modèle standard - toutes les propriétés des particules sont décrites, et sont liées les unes aux autres. Si on s’est trompé sur la masse du boson W, cela veut dire que la théorie est fausse, qu’elle a un problème. Et ça, c’est une excellente nouvelle !  

Pourquoi une bonne nouvelle ?

Parce que les physiciens savent que le modèle standard est incomplet. Et ils cherchent depuis des dizaines d’années des indices qui pourraient les amener à la compléter. En particulier, cette théorie n’arrive pas à décrire la gravité – on ne sait pas décrire, à l’échelle microscopique, la force qui fait tomber les pommes des arbres, et qui nous maintient les pieds sur Terre. C’est donc un grand espoir qui s’ouvre aujourd’hui, grâce au boson W, de trouver une brèche, pour percer ce mystère.   

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