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La philosophe féministe Mary Wollstonecraft honorée avec une statue d’elle… totalement nue

Autrice au XVIIIe siècle de nombreux ouvrages précurseurs plaidant pour l’accès des filles à la même éducation que les garçons, Mary Wollstonecraft était tombée dans l’oubli après sa mort. Mardi, une statue d’elle a été dévoilée à Londres, mais elle concentre les critiques puisqu’elle la représente totalement nue.

Article rédigé par franceinfo - Marion Lagardère
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
La sculpture représentant Mary Wollstonecraft, à Londres, le 10 novembre 2020.


 (JUSTIN TALLIS / AFP)

En Grande-Bretagne, on l’appelle la "mère du féminisme", puisque c’est grâce à ses œuvres philosophiques qu’est né le mouvement. Après deux siècles d’oubli, Mary Wollstonecraft a désormais un monument à son nom, une statue inaugurée le 10 novembre à Londres, dans la circonscription de Newington Green, là même où elle avait ouvert une école pour apprendre aux adolescentes de son temps à aiguiser leur sens critique, et les sortir de la place qui leur était assignée, celle de maitresse de maison, de bonne épouse, d’être silencieux.

Wollstonecraft est née en 1759 dans une famille aisée. Son premier combat l’oppose à son père violent. Le deuxième est pour sa sœur qu’elle pousse à fuir un mariage malheureux à une époque où le divorce n’existe pas. Et le troisième sera celui de sa vie, le droit à l’éducation pour les femmes. Très vite, elle publie son premier livre, Pensées sur l’éducation des filles. Elle y démontre bien avant Simone de Beauvoir que si les femmes sont qualifiées de sexe faible, frivoles et superficielles, ce n’est pas le fait de la nature, mais bien des hommes qui leur interdisent l’accès à l’éducation.

Sans femmes éduquées, une société ne peut que dégénérer

Mary Wollstonecraft

Défense des droits des femmes, 1792

Quelques années plus tard, elle persiste et signe un autre ouvrage, Défense des droits des femmes, dans lequel elle souligne que "sans femmes éduquées une société ne peut que dégénérer". Brillant, lumineux pour l’époque. Pourtant, encensée en son temps, elle finit dénigrée après sa mort. La postérité retiendra sa vie tumultueuse et ses amours multiples, et non ses écrits révolutionnaires. Le XIXe siècle est puritain. Mary Wollstonecraft est oubliée.

Jusqu’en 2020, et à ce mardi où le monument en son honneur a enfin été dévoilé. Sauf que - stupeur et sidération - la statue est un nu, un corps de femme stéréotypé, de la taille d’une poupée. Alors, partout, de Taïwan à l’Australie, en passant par le Canada et l’Allemagne, on s’insurge, on s’interroge : aurait-on fait la même chose à Rousseau, Hume ou Kant ? Dans les journaux, à la télé, sur les réseaux sociaux, on dénonce l’affront fait à travers elle à toutes les femmes. Pas par puritanisme, non. Ce n’est pas le nu qui est en question, mais la représentation d’une philosophe restreinte à son seul corps.

Comme quoi, 223 ans après sa mort, Mary Wollstonecraft nous invite encore à déconstruire les préjugés, et c’est peut-être la meilleure manière finalement d’honorer décemment sa mémoire.

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