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La France n'aime pas ses accents

L'accent "toulousain" serait le plus charmant et l'accent "chti" le plus drôle, selon un sondage du site de rencontres Parship publié cette semaine. Mais la France aime-t-elle vraiment les accents régionaux ? Ce n'est pas sûr du tout.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La plupart des médias qui ont repris ce sondage (1) ont retenu avant tout une chose : l'accent toulousain serait "le plus charmant " et même "le plus sexy ", dans la mesure où les intonations du Sud seraient dotées d'un capital sympathie précieux dans le jeu de la séduction. Mais cette enquête contient d'autres informations qui ont été peu relevées et qui, à mon sens, sont plus inquiétantes car elles montrent que les accents régionaux restent méprisés.

La preuve est apportée par la réponse à la question suivante : quel est l'accent le plus intelligent ? Réponse : ni celui des Alsaciens ni celui des Provençaux, mais le français standard, faussement dit "sans accent ", loin, très loin devant celui des Bretons.

Contrairement à ce que l'on croit, cet accent n'est pas l'accent parisien . Historiquement, c'est l'accent des classes privilégiées qui, dans un pays centralisé comme la France, vivent surtout à Paris _ c'est très différent. Car ces classes sociales ont toujours veillé à se distinguer du peuple. C'était vrai hier vis-à-vis du parler des titis parisiens. C'est tout aussi vrai aujourd'hui avec les intonations des jeunes de banlieue.

C'est cet accent qui domine le cinéma et le théâtre -Phèdre n'est jamais jouée avec l'accent marseillais. C'est cet accent qui domine dans les médias audiovisuels pour les rubriques dites "sérieuses", comme la politique ou l'international. A de rares exceptions près, les journalistes à l'accent du Sud-Ouest sont cantonnés à la météo ou au rugby. C'est cet accent qui domine à l'université et dans les grandes entreprises. Dans les classes préparatoires aux grandes écoles ou avant l'agrégation, certains jeunes dotés d'un accent régional sont incités à prendre des cours de diction.

Ce rejet des accents traduit donc, en réalité, un mépris des "élites" vis-à-vis du peuple .  De tout temps, les notables provinciaux ont compris que, pour réussir, il leur fallait singer les manières et le langage des dominants. Ce mouvement a aujourd'hui gagné l'ensemble des classes moyennes. Bien des parents "corrigent" l'accent de leurs enfants, dans l'espoir de favoriser leur réussite sociale.

Et cela provoque des dégâts psychologiques, car les Français dotés d'un accent régional se demandent s'ils doivent y renoncer pour réussir socialement (2). Beaucoup s'y résolvent, d'ailleurs, avec plus ou moins bonne conscience, car cela les oblige à renoncer à une part de leur identité. Certains finissent même par se moquer de ceux qui ont gardé l'accent pour bien montrer que, eux, ont réussi à changer de milieu. L'académicien d'origine corse Angelo Rinaldi a ainsi écrit en substance que la langue corse ne servait qu'à parler aux chèvres ! (3)

Il est étonnant de constater qu'au XXIe siècle, alors que le racisme et le machisme sont combattus vigoureusement -et c'est tant mieux - on n'observe rien de tel pour les accents, alors même que certains individus sont pénalisés en raison d'a priori indéfendables. Et cela montre qu'au fond, la survivance des accents dérange profondément dans un pays comme la France , qui s'est construit en agrégeant, parfois par la force, des peuples issus de cultures et de langues différentes. Visiblement, notre tradition jacobine n'est pas morte.

(1 ) Enquête PARSHIP.fr, en partenariat avec l'Institut de l'Administration des Entreprises (IAE) de Grenoble, auprès de 1004 personnes.

(2) Voir Françoise Weck " Putain d'accent, comment les Méridionaux vivent leur langue " (Lharmattan)

(3) "En dehors d'une certaine façon que les bergers ont en commun de siffler le soir pour faire rentrer les chèvres, la langue corse n'existe pas" Angelo Rinaldi, Académicien français, 2005

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