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Les risques des futurs "moustiques OGM"

Le Brésil va relâcher dans la nature des "moustiques OGM" pour lutter contre le développement du paludisme ou de la dengue... Les chercheurs espèrent un effondrement de la population de moustique. Explication avec Caroline Tourbe du magazine "Science et Vie".
Article rédigé par franceinfo
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La technique de ces moustiques génétiquement modifiés a été approuvée par la
commission brésilienne de "biosécurité". Elle doit permettre d'éradiquer les populations de moustiques qui pullulent autour des
habitations.

Comment ? En relâchant dans la nature des moustiques mâles
rendus stériles par le transfert d'un gène dans leur patrimoine
génétique. Ces mâles peuvent s'accoupler, ils peuvent
même se reproduire, mais la modification génétique dont ils sont porteurs provoque
la destruction des larves, ils n'ont donc pas de descendance.

Des millions de moustiques conçus en laboratoire

L'objectif est de produire en laboratoire des millions de
moustiques OGM stériles, les envoyer se reproduire avec les femelles sauvages
du coin et provoquer en quelques mois un effondrement de la population de
moustiques locale. Plus d'insectes, donc plus de piqûres :
il n'y aurait plus de transmission de maladies telles que le paludisme, la
dengue ou le chikungunya.

Eradiquer la dengue

Au Brésil, l'autorisation qui doit encore être validée par
le gouvernement, concerne une catégorie de moustiques qui véhicule une
maladie : la dengue. La technique ne sera testée dans un premier temps qu'autour d'une seule ville de plus de 80.000 habitants, Jacobina dans l'état de Bahia.

Il y a déjà eu des essais grandeur nature avec
des moustiques OGM aux Iles Caïman et en Malaisie en 2011 mais ils n'ont pas
été assez étendus pour pouvoir en tirer un vrai bilan car le nombre de moustiques stériles
relâchés dans la nature n'était pas suffisant.

Il a donc été impossible de juger
leur impact sur la démographie locale des moustiques et donc encore moins
suffisant pour mesurer des retombées sur la transmission des maladies et sur la
santé des habitants, qui est l'objectif final. Cette technique devra apporter la preuve qu'elle a un impact
positif sur la santé des habitants  pour
avoir une chance d'être validée.

Des écologistes inquiets

Des associations locales au Brésil, mais aussi
internationales de défense de l'environnement s'inquiètent de voir libérer dans la nature des insectes modifiés
génétiquement.

Les moustiques cristallisent au moins trois
types d'inquiétude :

• La peur des OGM : y'a-t-il des risques sanitaires
pour les humains ? En théorie non : en effet, seuls des moustiques
OGM mâles seront relâchés ; or, ce sont les moustiques femelles qui
viennent nous piquer pour nourrir leurs larves avec du sang frais. Il n'y aura
donc, a priori, pas de contact direct entre les insectes OGM et les êtres
humains.

Mais, en pratique, tous les experts reconnaissent que ce n'est pas si
simple que cela. En effet, en laboratoire, la modification génétique se
fait à un stade où les insectes ne sont pas différenciables ; il faut
attendre quelques jours pour pouvoir séparer mâles OGM et femelles OGM :
les premiers seront relâchés et les secondes détruites. La question mérite d'être
posée : des femelles peuvent-elles se glisser dans les nuées de moustiques
relâchées ?   

Des risques de contamination ? 

• La deuxième inquiétude porte sur les risques de contamination
de la faune et la flore. Là encore, il n'y a en théorie pas de risques car les
larves ne survivent pas. Les gènes modifiés ne sont donc pas censés se
disséminer.  Mais, il va falloir en apporter la preuve à plus grande
échelle.

Qui se cache derrière ces moustiques OGM ?

  • Le troisième point
    d'inquiétude : qui se cache derrière ces essais ? C'est une société
    anglo-saxone OXITEC, avec à sa tête un brillant chercheur d'Oxford, Luke
    Alphey. Il a mis au point et breveté la technique. Pour l'instant, les
    moustiques OGM sont cédées gratuitement aux pays qui souhaitent les essayer, mais
    la loi des brevets entretient une certaine opacité sur les méthodes utilisées.

Dans ces conditions, difficile de savoir si cette technique
est efficace et sans danger.
Les peurs des opposants sont fondées, du
moins en partie, mais elles risquent d'aboutir à "tuer dans l'œuf" une
méthode qui pourrait s'avérer efficace contre des maladies qui font des
centaines de millions de victimes dans le monde.

Tout se jouera d'ici deux à cinq ans maximum. Il faut savoir qu'il existe des
alternatives aux OGM (pas les insecticides dont on sait qu'ils
sont une fausse "bonne idée") mais d'autres méthodes de
stérilisation des moustiques "sans OGM" existent ; elles en sont
au même stade expérimental.

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