Marc-Olivier Fogiel, directeur général de BFMTV : "Je n’ai jamais été inquiet face à la montée de CNews"

La chaîne information du groupe Altice reste largement leader dans sa catégorie en janvier, malgré la forte progression de sa rivale depuis plusieurs semaines.
Article rédigé par Célyne Baÿt-Darcourt
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Marc-Olivier Fogiel, directeur général de BFMTV, le 30 janvier 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Animateur et producteur d’émissions à la radio et à la télévision, Marc-Olivier Fogiel est devenu le directeur général de la chaîne d’information BFMTV en 2019. Il fait le point sur la concurrence accrue de CNews, confie ne pas avoir été inquiet face à la montée de la chaîne du groupe Bolloré, fait le point sur les départs de Bruce Toussaint et de Laurent Ruquier et sur les rumeurs de vente qui courent depuis quelques mois malgré les démentis de Patrick Drahi, le patron d’Altice qui détient la chaîne.

franceinfo : Vous êtes resté assez silencieux ces dernières semaines alors qu'il se passait beaucoup de choses à BFMTV. D'abord, c'est un excellent mois de janvier pour vous. 

Marc-Olivier Fogiel : Comme l'année 2023 qui a été une année record pour BFM puisque c'était sa deuxième année historique ! Malgré tout ce qu'on a dit. Alors pourquoi n'ai-je pas parlé avant ? Eh bien parce que justement cette espèce de petite musique de fond, pas basée sur une réalité, faisait que la prise de parole était inaudible. Cela fait 30 ans que je fais ce métier et on a envie de répondre quand les choses sont fausses, mais autant le faire au bon moment. Il y avait une espèce de bruit de fond qui faisait que la prise de parole ne valait pas le coup parce qu'inaudible. Aujourd'hui, il me semble que les choses sont posées et on peut répondre aux questions. 

Quelque 3,1% de parts d'audience au mois de janvier, plus 19% en un mois, vous distancez CNews qui est à 2,7 alors que vous aviez fini l'année 2023 ex-aequo. Dans Ouest-France vous avez dit que beaucoup de bêtises ont été dites. Il y a des chiffres aussi. CNews remontait, vous talonnait et vous a même devancé sur une journée ou sur une semaine ! 

Évidemment, moi, je n'ai pas de problèmes pour parler de CNews. Ça arrive quand vous êtes leader. Regardez TF1 qui est le leader incontesté, il y a des jours où France 2 est devant. Mais en fait, on avait l'impression qu'il y avait péril en la demeure. 

Parce que cela n'était jamais arrivé ! 

Oui. Moi, ce qui m'importe, c'est ce que fait BFM : Est-ce que cela fragilise notre modèle ? Est-ce qu'on croit notre modèle ? Est-il affaibli ? Je vous dis l'année dernière, oui CNews a progressé, je ne vais pas nier une réalité. L’année dernière, on avait l'impression que BFM était en péril alors que BFM réalisait sa deuxième année historique. La précédente, plus forte, était celle de la Présidentielle après 18 ans d'existence.

"Je ne vais pas nier qu'il y a un concurrent qui progresse sur certaines cibles grâce à une durée d'écoute dans un autre modèle, en faisant autre chose. Mais le modèle BFM au contraire était solide et a particulièrement bien fonctionné l'année dernière."

Marc-Olivier Fogiel directeur général de BFMTV

à franceinfo

Vous n'êtes donc pas inquiet ? Vous ne l'avez jamais été ? 

Absolument pas. Après, ça ne m'empêche pas de regarder ce que font les autres, de continuer à essayer de progresser, à travailler avec les équipes. Mais étions-nous inquiets, fébriles ? Avec tout ce que j'ai pu lire : "La crise", je suis désolé, mais la réponse est non. On était sereins, on travaillait et on regardait CNews monter tranquillement dans un autre registre, dans un autre modèle, pas dans une chaîne d'info généraliste. Si ça avait fragilisé notre modèle au niveau de la pub par exemple, si on ne pouvait pas travailler, si on ne pouvait pas se déployer comme on se déploie, si on ne pouvait pas faire de longs formats, je vous aurais dit : ce qui se passe du côté de CNews pénalise ce qu'on est en train de faire et nous oblige à réfléchir autrement. 

Vous vous dites serein. Pourtant quand vous embauchez Laurent Ruquier pour faire le soir et 'il ne reste que trois mois parce qu'il n'arrive pas à concurrencer Pascal Praud.

Ce n'est pas la réalité ! Je vous rappelle comment cela s'est passé. C'est en cela que c'était serein. Je ne regrette pas d'avoir fait venir Laurent. On a tenté quelque chose. Si on dirige une chaîne d'info et on se contente de ne jamais tenter des choses, ce n'est vraiment pas un boulot marrant et intéressant. Je pense que c'était intéressant d'essayer et c'était ni un succès, ni un échec. Un échec, oui, puisqu'il est parti. Mais en soi, la case marchait, ce qu'on faisait n'était pas déshonorant... 

Vous espériez mieux quand même ? 

Bien sûr que j'espérais mieux, mais en gros, ce n'était pas déshonorant. On a justement attendu toute la période où c'était très commenté. On avait l'impression que tous les jours il y avait une crise. Lui, il venait tranquillement bosser, il n'y avait pas de sujet. On a débriefé après sa dernière et il m'a dit : "Écoute, moi, il n'y a pas de sujet. Si tu veux, j'irai jusqu'au mois de juin. Je n'ai pas envie d'alimenter cette espèce de fausse polémique de presse, mais moi je ne prends aucun plaisir à venir, je n'y arrive pas."

"Laurent Ruquier m’a dit : ‘Ce que je propose, d'autres le feraient mieux que moi. Je n'arrive pas à y mettre ma patte. Le fait de venir tous les jours est une contrainte pour moi’."

Marc-Olivier Fogiel directeur général de BFMTV

à franceinfo

Laurent Ruquier était malheureux ? 

Il était malheureux. 

C'est un échec personnel pour vous ? 

Tout ce qui concerne BFM, quand ça marche ou quand ça ne marche pas, évidemment que c'est personnel. Alors, le fait que Laurent Ruquier ne soit pas resté jusqu'au mois de juin, évidemment c'est un échec personnel. Mais j'allais dire, ce n'est pas bien grave... 

Pas bien grave... Cela fait suite à plusieurs autres départs et surtout celui de Bruce Toussaint. 

Oui, tout ça, c'est la façon dont c'est commenté. 

Quand Bruce Toussaint qui est un de vos journalistes vedette et ami part au bout de quelques semaines seulement après la rentrée, cela vous déstabilise aussi. 

Bien sûr, je ne vous dis pas le contraire. Mais BFMTV est suffisamment forte, la preuve aujourd'hui, avec ce que Maxime Switeck fait le matin, cela marche mieux que ce que faisait Bruce Toussaint en partant. BFMTV a toujours été un vivier de gens qui partent. Évidemment, quelqu'un qui part un mois et demi après le début parce qu'il a une proposition, je ne vais pas vous dire que ça me fait plaisir, ça nous déstabilise évidemment. Mais la réalité c'est que BFMTV est suffisamment solide, suffisamment forte pour sortir des chiffres au mois de janvier ou il n'y a même plus de sujet. Et les chiffres du mois de janvier avec Maxime le matin, avec Julie qui l'a remplacé le soir. BFMTV est solide. En gros, notre boulot, mais cela vaut pour tous les patrons de France, c'est de gérer les imprévus. 

Mais avec tous ces départs, finalement n’y a-t-il un mal-être à BFMTV ? 

Je vous réponds que pas du tout. Mais venez voir ! Il y a un gouffre entre la réalité de ce qui est décrit et de ce qu'on vit.

"Il n’ y a pas de mal-être à BFMTV. Il y a une bonne ambiance sur une chaîne qui fonctionne, qui se déploie."

Marc-Olivier Fogiel directeur général de BFMTV

à franceinfo

On a évoqué les départs en série, il y a aussi des rumeurs de vente de BFM. Le propriétaire d’Altice, Patrick Drahi, doit se délester d'actifs face à l'endettement de son groupe. C'est une épée de Damoclès ? 

Pas une seconde. Mais c'est en ça, si vous voulez, que...les commentateurs commentent et BFM trace sa route. 

Cela s'appuie sur une réalité ? 

Non, cela s'appuie sur des rumeurs. Patrick Drahi a dit que oui, il a eu des propositions d'achat. Non, BFM n'est pas à vendre. Il l'a dit en août, en septembre, en octobre, en novembre, en décembre. Il le répète sur tous les tons, il l'a dit et je le redis mardi matin. Cela pourrait n'être que des paroles, mais la réalité, ce sont les investissements qu'on fait sur le long terme avec un Patrick Drahi actionnaire. Il donne beaucoup d'argent pour pouvoir se projeter et construire le BFM dans cinq ans, dans dix ans. Un actionnaire qui serait sur le départ, malgré les rumeurs, n'investirait pas comme ça dans son actif. 

C'est votre dernière saison et après vous quittez BFMTV ? 

Pourquoi, vous voulez m'engager à franceinfo ? Je n'ai pas le talent de Salhia Brakhlia ! Non, je suis très heureux à BFM. Après, la vie des médias, je ne sais pas de quoi elle est faite. Si vous me demandez si aujourd'hui je suis heureux à BFMTV et si j'ai des perspectives d'ailleurs ? Oui et non. Je construis avec les équipes et avec Hervé et Arthur, la grille de septembre, sereinement et avec un début d'année particulièrement solide. 

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