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En Turquie, le ramadan se déroule dans un contexte politique morose : "il n'y a ni loi ni justice, rien ne va"

"C'est le ramadan le plus difficile qu'on ait connu", estime un professeur à la retraite, alors que la Turquie est assommée par la crise économique à moins de 50 jours avant les élections présidentielle et législatives.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Dans le quartier de Fatih à Istanbul, la queue s’allonge juste avant l’heure de la rupture du jeûne du ramadan. Un camion de la métropole distribue des paniers avec notamment du pain et du fromage, le 24 mars 2023. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)

Rue Istiklal dans le cœur d’Istanbul, un groupe de croyants installe des nappes à même la chaussée, sous l’œil vigilant de la police. Naci, professeur à la retraite dépose ses provisions. "Il y a du pide [pizza turque], des olives, du fromage, du jus de fruit, du coca, ce genre de choses, présente-t-il. Il y avait plus de monde avant, la table s’étalait le long de toute l’avenue, de Taksim jusqu’à Tünel. Là, elle est très courte". 

"Les gens ont peur de participer. Et puis ça coûte cher."

Naci, professeur à la retraite

à franceinfo

 

"Surtout la viande et le fromage. Enfin, tout est devenu cher. C’est le ramadan le plus difficile qu’on ait connu", estime Naci. L’hyperinflation a fait exploser le taux de pauvreté. Nurullah fait contre mauvaise fortune bon cœur. "De toutes manières, le but du ramadan ce n’est pas de couvrir la table de nourriture, c’est de compatir avec ceux qui ont faim, ceux qui sont pauvres, avance-t-elle. Durant le jeûne, on apprend aussi à maîtriser autre chose, comme la colère, par exemple, le ressenti, la haine et à les remplacer par l’amour, l’union, la solidarité". 

Dans le cœur d’Istanbul, un groupe de croyants installe des nappes à même la rue et se prépare à rompre le jeûne du ramadan, le 23 mars 2023. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)

De l’autre côté du Bosphore, dans le quartier de Fatih, la queue s’allonge juste avant l’heure de la rupture du jeûne. Un camion de la métropole distribue des paniers avec notamment du pain et du fromage. Le petit peuple d’Istanbul se presse. Servet serre un sachet plastique. "Moi, je ne suis pas un travailleur, je dors dans la rue, sur le banc là-bas", explique-t-il. 

"Je n’ai pas d’argent, je n’en ai plus. De toute façon, il y a près de 10 millions de chômeurs dans le pays."

Servet, sans emploi

à franceinfo

"Puis on a eu le séisme. Tout va mal, tout s’empile. Et ni Erdogan, ni le gouvernement ne font rien pour nous, reproche Servet. Il se soucie de son propre plaisir".

Assommé par la crise économique, le petit peuple d’Istanbul se presse aux distributions de nourriture à l'heure du ramadan, le 28 mars 2023. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)

Bonnet enfoncé jusqu’aux yeux, Mustafa s’invite dans la conversation. "Le gouvernement d’Erdogan, soupire-t-il. Enfin bon, laisse tomber. Si je parle, quelqu’un pourrait entendre". Cela n’arrête pas Servet : "On n’est pas content du pays dans lequel on vit. C’est aussi simple que ça". Mustafa opine. "L’inflation, les prix, les conditions de vie, il n’y a ni loi ni justice. Rien ne va. Vote pour l’opposition, le CHP !", lance-t-il. Mais Servet secoue la tête et objecte désabusé : "Que veux-tu qu’ils fassent, le CHP ?" Mustafa insiste : "Du moins ça sera un peu mieux que ceux-là ! Ils respectent la loi, la justice ! Ils ont dit qu’ils donneraient la sécurité sociale", argumente-t-il. Ici aussi avant l’iftar et la prière du soir, on garde les yeux rivés sur les élections présidentielle et législatives du 14 mai.

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