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En direct du monde. Au Mexique, un journal choisit de mourir pour que ses journalistes ne meurent plus.

Trois journalistes ont été tués en mars au Mexique, notamment à Ciudad Juarez. Un journal, El Norte, a décidé de suspendre sa parution pour protéger ses journalistes.

Article rédigé par franceinfo, Emmanuelle Steels
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Manifestation après l'assassinat de Miroslava Breach, journaliste, le 25 mars 2017, à Mexico (DANIEL CARDENAS / ANADOLU AGENCY)

À Ciudad Juárez, au Mexique, le journalisme et la presse libre vivent sous le feu des cartels. Dans cette ville du nord du Mexique, le journal El Norte annonçait il y a quelques jours qu’il cesserait d’être imprimé pour des raisons de sécurité. Un aveu d’impuissance qui s’inscrit sur fond d’attaques à la presse. Trois journalistes ont été tués en mars à travers le pays, notamment à Ciudad Juárez.

Dans son éditorial d’adieu, le 2 avril, avec un “Adiós” en gros caractères en première page, le directeur d'El Norte écrivait qu’il ne voulait plus voir un seul de ses journalistes perdre la vie. Il faisait allusion au meurtre de Miroslava Breach, le 23 mars : elle était collaboratrice de longue date du journal et elle a été abattue par des hommes armés devant sa maison. Cette journaliste avait enquêté sur les cartels et sur les liens entre ceux-ci et les milieux politiques locaux, et c’est vraisemblablement pour cela qu’elle a été tuée.

La fermeture du journal, du moins sa version papier, avait été décidée avant ce triste épisode, et les responsables d’El Norte dénoncent plus généralement l’impossibilité de continuer à exercer librement le journalisme à Ciudad Juárez.

Il y a près de 10 ans, déjà, un quotidien interpellait les cartels

Dans l’autre grand journal local, El Diario de Juárez, s’était adressé directement aux cartels, suite aux assassinats de deux de ses journalistes, en 2008 et 2010. “Qu’attendez-vous de nous ?” demandait la direction du journal dans cet éditorial, qui avait été très critiqué à l’époque puisque c’était une proposition de trêve adressée au crime organisé. En réalité il s’agissait surtout de dénoncer le fait que les cartels avaient usurpé le rôle des autorités, que c’était eux qui exerçaient réellement le pouvoir dans la ville et qui dictaient leur loi. Et le journal les mettait au défi d’expliquer pourquoi ils tuaient des journalistes.

123 journalistes ont été tués au Mexique depuis 2000

Le taux d’impunité pour les crimes contre des journalistes dépasse les 99%. La majorité de ces crimes sont attribués aux cartels, mais cette passivité dénote aussi une corruption des autorités. L'impunité est généralisée, que ce soit dans le cas des journalistes, mais aussi dans le cas de dizaines de milliers d’homicides ou des 30 000 disparus, qui ne suscitent que peu ou pas d’enquêtes de la part des autorités. C’est aussi cela que les journalistes qui ont été tués dénonçaient. Et c’est pour cela que les journalistes mexicains disent que lorsque l’un d’entre eux est attaqué, c’est aussi et d’abord le droit de la société mexicaine d’être informée qui est attaqué.

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