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Réforme de la PAC : un pas en avant, un pas en arrière

Après 18 mois de discussions, la réforme de la Politique Agricole Commune vient d'entrer dans sa phase décisive. Mais une semaine après le Parlement européen, les États membres ont eux aussi revu à la baisse les objectifs initiaux d'une PAC "plus verte et plus juste". Bruxelles dénonce le manque d'ambition des 27 ; les écologistes leur reprochent de céder au lobby agro-industriel. Une fois de plus la realpolitik l'emporte sur les idéaux.
Article rédigé par franceinfo
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Le projet de réforme , présenté par la Commission européenne
en octobre 2011, paraissait certes ambitieux mais nécessaire , en conformité
avec les évolutions actuelles et les attentes des citoyens: une PAC plus
transparente, avec un plafonnement des aides, réparties de manière plus
équitable (à l'heure actuelle les agriculteurs italiens ou grecs reçoivent 400
euros par hectare contre moins de 100 pour les Lettons) ; une PAC plus
écologique, dans laquelle une partie des aides serait liée au respect de l'environnement
 (remise de certaines terres en jachère, maintien
de pâturages permanents, diversification des cultures et préservation de la
biodiversité), avec des conséquences bénéfiques également en terme de qualité.

Mais c'était sans compter sur la pression des États membres ,
des lobbies de l'industrie et des plus grosses exploitations , qui se partagent
à elles seules 80% des aides et qui préfèrent évidemment le statu quo. Si les ministres de l'agriculture
ont finalement approuvé le principe de lier 30% des aides directes au respect de
certaines mesures de verdissement, ils réduisent le pourcentage des surfaces agricoles d'intérêt écologique, exigent
davantage de flexibilité et toutes sortes d'exemptions. Ainsi ils souhaitent
laisser le libre-choix à chaque État de fixer ou non un plafonnement des aides
à 300.000 euros.

 "Ce refus d'un
plafonnement obligatoire est tout simplement incroyable
, s'indigne l'eurodéputé
Vert José Bové
, vice-président de la Commission de l'agriculture. Cela remet en
cause le principe de solidarité et celui du marché unique. C'est un pas vers
une renationalisation de la PAC, un manque d'ambition pour l'Europe
". Il dénonce également le fait que les
ministres de l'agriculture repoussent aux calendes grecques la "convergence "
(une prime d'un même montant pour tous), qui devait être mise en place d'ici à
2020.

La Slovénie et la Slovaquie ont refusé de se joindre à cet
accord
, pourtant qualifié de "franc succès " par l'Allemagne, qui
compte parmi les plus grosses exploitations, héritées de l'ex-RDA.  Et qui a fini par lâcher à la France,
principale bénéficiaire de la PAC (devant l'Allemagne justement, puis l'Espagne),
le maintien d'aides couplées à certaines productions, afin de soutenir des
secteurs en difficulté, comme l'élevage laitier et la production de fruits et
légumes.  En 2011, 92% des paiements
directs (37 milliards d'euros) ont été "découplés ", donc n'ont pas
été liés au type ni au volume de la production.

Le budget alloué à la PAC pour les sept prochaines années
(2014-2020) a été réduit de 12%
, à 373 milliards d'euros. L'agriculture reste
néanmoins le principal poste de dépenses de l'Union, avec près de 40% du budget
global.

Or pour la première fois le Parlement européen exerce un
pouvoir de codécision dans ce domaine
. Selon l'eurodéputé UMP Michel  Dantin, du Parti Populaire Européen,
majoritaire, membre de la Commission agriculture, "une nouvelle étape
vient d'être franchie vers une politique agricole commune plus pratique, plus
proche des réalités
". Pour lui, le soutien à la recherche et à l'innovation
est bien plus important qu'une réglementation unitaire inapplicable.

Le  11 avril démarre
le "trilogue " entre les trois institutions
, qui espèrent aboutir à
un accord avant la fin de la présidence irlandaise, en juin.

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