A Foix, "petit coin de France"... et de gauche
L'Ariège, "terre courage " : la devise populaire est revendiquée de gauche comme de droite dans ce département niché au pied des Pyrénées. Au PS, on se fait fort de résister d'ici, à l'opposition présidentielle majoritaire là-bas, c'est-à-dire à Paris, la lointaine. A l'UMP, de supporter l'hégémonie socialiste locale.
"Nous, en Ariège, on est rouge jusqu'au slip"
Le PS en Ariège est en terrain conquis. Il peut compter sur 18 élus et deux apparentés sur 22 au conseil général, deux députés... sur deux, les deux tiers des communes, et désormais un président du Sénat, Jean-Pierre Bel. "Il fallait se la gagner la Haute Assemblée depuis le temps qu'elle était bien à droite ", se rengorge Dominique Subra, conseillère municipale à Foix, encartée PS depuis 1981. L'Ariège, petite terre socialiste qui essaime ailleurs ? En tout cas, la militante en est convaincue : "A droite, ils n'inverseront jamais la tendance dans ce petit coin de France ". Et ce n'est pas Pascal, libraire à Foix qui la contredira : "Nous en Ariège, on est rouge jusqu'au slip ".
Pour autant, être en majorité chez soi ne garantit pas d'accéder à l'Elysée. C'est donc en bons petits soldats de la Rose que les militants socialistes ariégeois retournent au combat cette année. Unis, jurent-ils. En 2007, si Ségolène Royal fait le plein des voix, atteignant en Ariège son meilleur score métropolitain au second tour, avec 59,56%, elle n'est pourtant soutenue qu'à reculons par le PS local. "Ici, tout le monde était enthousiaste, mais moi je sentais qu'il y avait des choses qui n'allaient pas ", analyse après coup Thomas Fromentin, 33 ans, entré en socialisme en 2006 juste après la naissance de son fils "pour qu'il ne grandisse pas avec un président de droite ". Raté !
"Certains commerçants n'osent pas avouer qu'ils votent UMP"
A l'époque, malgré un maigre score de 40,44% (loin des 53,06% nationaux), c'est l'UMP local qui fait la fête. "Entre nous ", glisse Jean-François Voile, responsable des Jeunes Pop 09. Car la droite ariégeoise rase presque les murs. Le parti ne tient pas de permanence, sauf à l'approche du scrutin. Et dans les villages, selon le tout jeune adhérent de 26 ans, "certains commerçants n'avouent voter à droite qu'une fois en retraite, pour ne pas perdre de clients ". Fataliste, Paul-Louis Maurat, président de la CGPME à Foix, renchérit : "On se présente, on joue le jeu démocratique, mais ensuite, c'est peut-être pas le meilleur qui gagne, mais c'est, en tous les cas, le socialiste qui gagne [...] On a la certitude, avant de commencer le combat, qu'on va le perdre ". Le jeune Jean-François Voile, avec sa frêle silhouette, devrait pourtant arpenter bientôt les marchés, avec ses tracts sous le bras, pour tenter de convertir les jeunes qui "votent à gauche, parce que leur famille vote à gauche, par tradition, sans se poser de question ".
"Qu'est-ce que vous voulez que j'aille voter ?"
Marc Carballido, premier secrétaire de la Fédération socialiste de l'Ariège, pourtant voit des raisons très palpables à ce penchant socialiste affirmé. Il évoque un département rural, très dépendant des services et de la fonction publique, et "première victime " des coupes budgétaires du gouvernement actuel. L'Ariège, en outre, reste traumatisée par le départ de ses industries textile et sidérurgique : ne subsistent que quelques scieries, et une usine Continental. Une classe populaire sur le carreau, que le PS a quelque peu oubliée, regrette le trentenaire militant Thomas Fromentin.
"Qu'est-ce que vous voulez que j'aille voter, " s'exclame Patricia, assistante maternelle, dans ce département qui se targue d'être l'un des plus civiques de France. Houria Tounès, ouvrière CDFT chez Continental, raconte ses collègues qui ont voté Nicolas Sarkozy en 2007 -"La France qui se lève tôt, travailler plus pour gagner plus, les 3/8, c'était nous. Il parlait de nous. Certains y ont cru "- et leur déception aujourd'hui. Pascal, le libraire de Foix en "slip rouge ", lui ira voter, mais paradoxalement ne sait pas encore pour qui : "Le président qu'on a actuellement, voilà où il nous a amenés... et en face, il ne me plaît pas plus que ça [...] La gauche n'est plus capable de redresser le truc ".
Le militant Thomas Fromentin en est conscient : "Il va falloir y aller. Si l'Ariège est socialiste, ce n'est pas génétique ". C'est selon lui, le fruit du travail de plusieurs générations d'élus et de militants. Et de se tenir prêt, avec son drapeau PS roulé dans son entrée et le portrait de Jaurès en fond d'écran, à "tracter, débattre, s'activer sur les réseaux sociaux aussi, mais surtout aller dans les villages, les campagnes, sur les marchés ". Car ici, conclut-il en prenant une voix rauque et chantante, "on fait du militantisme à pied ! "
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