Dans l'entrée, un vide poche flanqué d'une croix de Lorraine. Au mur, des dizaines delithographies, et un fusain de Charles de Gaulle dans le salon. Le restedes murs est couvert de livres : Mercedes est bibliophage. Elle achèteet annote tous ses ouvrages - énornément de livres politiques ouhistoriques.Chez cette dame de 79 ans, politique et histoires'imbriquent intimement. Fille d'un général espagnol pas séditieux sousFranco et d'une mère restée à Madrid côté républicain, elle eût durantla guerre un précepteur communiste pour qui son père s'était portécaution, elle a épousé la France en convolant. Il était Français, ilétait professeur de langue mais pas forcément forcené politique, ellesera acharnée de l'histoire de sa nouvelle patrie.Renonçant àla nationalité espagnole délibéremment parce que, déjà à 25 ans, ladouble nationalité la révulsait, elle est devenue Française. Etgaulliste derechef. Lorsque Mercedes arrive en France, elle a 25 ans etle général de Gaulle vient de revenir aux affaires. Nous sommes en 1958,les femmes votent en France mais pas encore enEspagne."Hauteur de vue, dignité, référendum..."Cinquante-troisans plus tard, Mercedes dit encore que c'est grâce au Général si elle apu voter. Sa fidélité va au-delà : "Droiture" , "hauteur de vue" ,"dignité" , "sens de l'honneur" et culture :"Aujourd'hui,on emmène les chefs d'Etat étrangers voir du football alors que deGaulle, lui, emmenait les francophones à la Comédie française et lesautres, à l'Opéra Garnier."Plus décisif, à ses yeux,est l'usage gaullien du référendum. Un critère de positionnementpolitique, une aspiration aussi, pour elle, qui peste à voir la pratiquetomber en désuétude. L'embardée des tenants du "Oui" après le refusmajoritaire du Traité constitutionnel européen lui est resté en traversde la gorge. La courte défaite de son bulletin "Non" au Traité deMaastricht un peu moins, même si, depuis Philippe Seguin, Mercedes n'apas retrouvé de leader gaulliste capable de lui donner de l'allant.Chirac? "En rien un gaulliste authentique" . Sarkozy ? Elle estime aucontraire qu'il a asphyxié la grange gaulliste en prenant l'UMP en 2004.Premièrecarte RPR en mai 1981Au lendemain de la victoire de FrançoisMitterrand, en 1981, elle avait passé une tête à la permanence decampagne de Saint-Maur, défaite. Et adhéré dans la foulée. Le vraimilitantisme n'aura pas duré une décennie, et l'adhésion n'aura passurvécu à l'avènement de l'UMP :"Le débat, c'estfondamental pour moi. Avec l'UMP, on n'a plus pu rien débattre."Anne-Sophie Petitfils, chercheuse en sciencepolitique au laboratoire CERAPS à Lille 2, a suivi les militants UMP duNord durant quatre années de thèse, de 2004 à 2008. Elle confirme que lamarque gaulliste perdure sur le terrain... mais pas dans les rouages del'institution majoritaire :"C'est devenu compliquéau niveau institutionnel, à un niveau collectif. Au niveau individuel,vous rencontrez énormément de militants mais aussi d'élus qui sereconnaissent aujourd'hui encore comme gaullistes et qui continuent àentretenir au niveau local une forme de culture gaullistes, et desrituels gaullistes. On imagine que les réseaux d'anciens combattants nerecrutent plus or quand on regarde bien, ces associations sont encoreextrêmement vivaces dans la perpétuation d'une culture gaulliste."Gaulliste,ni de droite, ni de gauche"Mercedes fait justementpartie de l'association du Souvenirfrançais. Sa fille unique est "commissaire à la flamme" à l'Arc-de-Triomphe. Lasséepar la mise au pas du parti et de ses réseaux militants, Mercedes apris peu à peu ses distances avec la droite. Aujourd'hui, elle ditqu'elle est "gaulliste mais ni de droite ni de gauche" . De quoi féonderun vote chevenementiste ? Pas quand même, mais la quasi octogénaireconfie qu'elle a beaucoup voté blanc depuis 1988. Tant que Mitterrandétait au pouvoir, elle parvenait à se mobiliser. Puis de l'eau a coulésous les ponts.Mercedes s'en tiendra au off concernant sapréférence pour 2012. Mais précise qu'elle refusera de voter FN, bienqu'elle s'emporte volontiers contre trois sujets qui figurent justementsur la ligne de crête de Marine Le Pen :Le vote desétrangers, y compris aux élections locales :"C'estpeut-être généreux sur le papier mais très dangereux. Regardezseulement Eva Joly nous donner des leçons ! Que cette hurluberluretourne en Norvège. Les étrangers sont très exigeants mais après tout,on ne leur a pas demandé de venir ! On devrait demander leur avis auxFrançais sur ce sujet."L'islam :J'aile courage de mes opinions. C'est un problème central. Les mosquéessont partout... mais là n'est pas le problème. Il est dans l'intention.L'égalité entre hommes et femmes n'existe pas dans l'islam. Et je n'aijamais cru à l'islam modéré."L'Europe fédéralequi perd son âme :"De Gaulle disait quel'Europe était de culture judéo-chrétienne et de civilisationgréco-latine. Je prends chaque moit à mon compte."Anne-SophiePetitfils retrouve chez Mercedes des points de rupture idéologique quiexistaient au moment du basculement du gros de la droite sousl'étiquette UMP. Ces divisions étaient palpables en 2004, elle sontrestées pregnantes à cinq mois du terme du premier mandat Sarkozy :"Lesprincipales idées dans lesquelles les gaullistes ne se retrouvaientplus à l'époque étaient d'une certaine façon l'enthousiasme àl'intégration européenne, qui n'est toujours pas passée chez bon nombred'anciens gaullistes. Egalement, aussi, l'idée de la nation.