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Siné et sa tombe-phallus

Siné est mort. Le dessinateur, ancien de Charlie Hebdo, est décédé à l’hôpital Bichat à Paris. Il avait 87 ans. Sa tombe est déjà prête. Une étrangeté, bâtie il y a quelques années.
Article rédigé par Nathalie Bourrus
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (La tombe de Siné à Montmartre, cactus phallique dressé pour l'honneur. © Siné Mensuel)

C’était… comme un cactus. Étrange tombe que la sienne, abritant une sculpture de cette plante piquante, qui peut survivre paraît-il à tout. Étrange, tout comme lui, cet homme au radicalisme absolu, le plus beau râleur de notre époque.

"Bonjour, je cherche la tombe de Siné."  Le gardien de ce très joli cimetière, en contrebas de Montmartre, m’indique le chemin. "Alors, vous allez tout droit… Au rond point, là où il y a des fleurs, vous tournez à gauche… Vous longez l’allée, avenue de la Croix, sur une trentaine de mètres, et là vous la verrez… C'est à la 30e division."

Une tombe-cactus

Puis, le regard troublé : "Mais il n’est pas encore enterré, vous savez."

Moi : "Je sais monsieur… mais, là, il va l’être… parce qu’il est mort."

Lui : "Ah bon ? Je ne savais pas… Oh là là !… il va y avoir l’enterrement alors … Ah oui ! la semaine prochaine sans doute… Et il est mort de quoi ?"

"Il était très malade depuis plusieurs années… Il s’est beaucoup battu, puis il est mort. Il avait 87 ans."

Lui, presque soulagé : "Ah ! ben, ça va, il aura bien vécu quand même…"

Je marche, je me paume, je me retrouve sur la tombe de Michel Berger, avec des touristes allemands, un plan a la main. Sous un soleil à réveiller un mort, je me perds encore. Tiens, tiens, un palmier, qu’une famille a planté… belle idée me dis-je, il faut la retenir.

"Siné ? J'connais pas"

Je rebrousse chemin… Zut alors ! Le gardien m’a pourtant dit qu’on la voyait très bien. Une dame passe, un panier de fleurs, sous le bras. 

Moi : " Je cherche la tombe de Siné."

Elle : "De qui?"

Moi : " Du dessinateur, Siné."

Elle : "J’connais pas, désolée."

Moi : "Il paraît qu’elle est ornée d’un cactus."

Elle, moins râleuse: "Ah ! oui, bien sûr… On la connaît bien, ici. Elle est par là-bas… Vous allez tout droit, elle sera sur votre droite. Mais faut enjamber des tombes avant."

J’enjambe, ou plutôt je marche sur des tombes. Désolée, pas le choix. Et j’éclate de rire ! Ça n’arrive pas souvent dans un cimetière. Me voilà, seule, face à ce… cactus… ou plutôt à ce phallus.

Oui, on peut le dire. Il y a une dalle, et au-dessus, une protubérance en bronze vert. "Il voulait faire sculpter un doigt, à l’origine, me racontera pas la suite le gardien des lieux. Mais il n’a pas eu l’autorisation. Donc il a fait faire un cactus."

Je ris de plus belle. Un doigt d’honneur, dans un cimetière… Ben voyons ! Cet homme ne doutait de rien.

Celui qui se disait " pas anarchiste… pas de gauche… pas de droite…" Cet homme qui pensait qu’il fallait "gueuler sur tout" et clamer "mort aux cons !" va physiquement finir sous une sculpture à la forme phallique.

VIDEO ►►► Quand Siné choisissait sa tombe au cimetière

VIDEO ►►► Quand Benoît Delépine se recueillait sur la tombe de Siné... en 2012

 

 

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