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"Non merci, on a déjà donné"

Le concert des Enfoirés, pour Les Restos du cœur, c’est ce soir, retransmis à la télévision, sur TF1. Toujours la même bande, celle de Jean-Jacques Goldman, avec des nouveaux comme le footballeur Ibrahimovic. Loin des caméras, les bénévoles effectuent une collecte de vivres. Pas facile.
Article rédigé par Nathalie Bourrus
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
  (Grande collecte des Restos du coeur vendredi et samedi dans plus de 6.000 grandes surfaces partout en France © Maxppp)

"Non merci, on a j’ai déjà donné"... La phrase revient, en boucle. A l’entrée d’un supermarché, en plein Paris, dehors, une jeune fille est postée devant une montagne de boites de sardines. À côté : une affichette avec la phrase de Coluche : "On compte sur vous."

Moi : "Ca marche ? Les gens achètent?"

Elle :  "Bof, pas vraiment… ils voient surtout les énormes affiches sur les promos du magasin."

Je fixe la vitrine. En effet, ce sont "Les bons jours", avec des réductions à 20% sur les vêtements Homme Femme Enfants.

Le soleil se pointe, ca sent presque le printemps. J’aperçois des jupettes d’une belle couleur jaune, des chemises en lin blanc, des sandales à talons couleur crème. Ça sent presque la plage. Mais pour les Restos du cœur, visiblement, c'est pas l’club Med !

J’entre dans le magasin. Deux bénévoles accueillent les gens, un caddie a côté d’elles. À moitié vide.

"Le but c’est de le remplir", me dit l’une d’elle, grand sourire. "Enfin, le but c’est que les clients du magasin le remplissent."

Moi : "Et ça marche ?"

Elles : "Couci couca…les gens viennent surtout pour les promos."

Moi : "Ben justement, ils peuvent en profiter, pour donner."

Une mère de famille passe.

Moi : "Vous allez donner aux Restos du cœur?"

Elle, qui prend l’air pressée : "Euh… non je crois pas."

Moi : "Ah ça, ce n’est pas gentil."

Elle : "Ben si je viens pour les promos, c’est pour faire des économies… pas pour dépenser ! Et si je donne aux Restos du cœur, je ne fais pas d’économies, j’y gagne pas… vous comprenez ?"

Moi : "Oui… mais, les gens qui vont aux Restos du cœur, ils sont vraiment pauvres eux."

Elle, de plus en plus pressée : "Tout le monde est pauvre, aujourd’hui."

Je n’insiste pas, fin de cette conversation légèrement ubuesque, car, Non, nous ne sommes pas tous pauvres.

À l’intérieur du magasin, d’autres bénévoles rangent des produits alimentaires, dans des cartons… mais aussi des couches, des shampoings, des dentifrices.

"Voilà, on a une palette pour le moment."

Moi : "Ben c’est pas mal .Ça marche, quand même!"

Le bénévole : "Ah non, l’an dernier a la même heure, on en avait déjà deux de remplies."

Je monte à l’étage. Partout, des promos. Un acheté, le 2ème offert… ce sont des pâtes, ou du riz. Une dame, et son mari, âgés, hésitent.

"Prenez en deux, et donnez en Un aux Restos du cœur !"

Elle : "Moui… chai pas…j’en ai besoin, je reçois ce soir…"

"Tenez regardez, ils ont fait des petits sacs, avec à l’intérieur du shampoing, du savons, un déodorant, des brosses à dents… le tout pour 6 euros 20… c’est génial !"

Elle : "Oui c’est pas mal…au chai pas, j’hésite."

Le mari : "Allez, on leur en prend deux"

Elle, les yeux noirs : "Ah non! Pas deux, faut pas charrier, on  a déjà donné à je ne sais pas qui la semaine dernière !"

Lui : "Et alors ? ca va… on ne va pas en mourir."

Ils n’achètent aucun des petits paquets. D’autres qu’eux en mourront, peut-être, un jour.

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