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Chef d'oeuvre d'hypocrisie

A première vue, c'est un petit chef d'œuvre que France 3 a diffusé hier soir en prime time, l'heure supposée de plus forte audience même si pour la chaîne, ce concept est assez relatif. Chef d'œuvre de manipulation, de désinformation et de mauvais goût. Sous l'appellation "Crime d'Etat", un téléfilm sur la mort mystérieuse de l'ancien ministre gaulliste Robert Boulin en octobre 1979.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Franceinfo (Franceinfo)

Officiellement, Robert Boulin s'est suicidé mais dès la première minute de ce film,
par ailleurs fort bien joué par François Berléan et Philippe Torreton, on nous
dit qu'il a été assassiné lors d'un guet-apens tendu par Jacques Foccart,
l'homme des basses besognes de Jacques Chirac, alors jeune patron du RPR.

Ce qui est pratique c'est qu'on comprend tout très vite. On
a envie de se dire "bon sang mais c'est bien sur !" comme le
commissaire Bourrel dans les Cinq Dernières Minutes . De plus, la
thèse de l'assassinat n'est pas nouvelle, ni stupide. Elle est notamment
soutenue par la famille du disparu.

Ce qui est nouveau c'est qu'on prenne pour la première fois
à la télé de telles libertés avec les faits. Car si on nous montre Boulin
assassiné, on ne le démontre à aucun moment. Si on accuse Foccart, il ne risque
pas de se défendre puisqu'il est mort depuis 15 ans. Enfin, ça ne coute rien
non plus de mouiller le SAC de sinistre mémoire ainsi que Jacques Chirac qui
lui n'en a plus.

Ce qui est nouveau enfin et très dérangeant c'est qu'on nous
fait gober une théorie du complot dont les âmes faibles sont toujours friandes
et qui n'est appuyée par aucun commencement de preuve. On affirme sans
démontrer. On dénonce sans prouver. On est là dans une démarche de provocation
absolue, aux antipodes de la déontologie du journaliste ou de l'historien. Et
même si on est en droit de douter du suicide de Robert Boulin, cela n'autorise
pas à tripatouiller des faits historiques en les mélangeant avec des
suppositions ou élucubrations. 

Mais bon. Au moins on n'est pas pris par surprise. Dès le
générique, les producteurs annoncent la couleur avec cette bande annonce : "Cette œuvre de fiction s'inspire de faits réels mais les interprète
librement tant du point de vue des personnages que des évènements
". On ne
pourra pas dire qu'on n'était pas prévenus. Il s'agit bien d'un chef d'œuvre.
D'hypocrisie. 

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