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Réforme constitutionnelle : la déchéance de nationalité maintenue dans le projet

Alors que plusieurs ministres ont dit ou laissé entendre le contraire, la déchéance de nationalité pour les binationaux figure bien dans le projet de révision constitutionnelle. Il concerne les binationaux condamnés pour terrorisme, y compris ceux qui sont nés en France. La réforme instaure aussi une rétention de sûreté après certaines peines mais retoque la sortie progressive de l'état d'urgence.
Article rédigé par franceinfo
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  (la Constitution française exposée au palais de l'Elysée en octobre. © Maxppp)

Ils sont plusieurs ministres du gouvernement à avoir laissé entendre ou même, dans le cas de Christiane Taubira, à dire que la déchéance de nationalité pour les binationaux ne figurerait pas dans le projet de réforme constitutionnelle, qui vise à inscrire l'état d'urgence dans la Constitution. C'était sans compter sur François Hollande. Le président de la République a le dernier mot et il a retenu que la dernière fois qu'il s'était exprimé publiquement sur la question, c'était devant le Congrès réuni à Versailles. Et il s'était engagé à appliquer cette mesure.

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C'est donc chose faite : la réforme constitutionnelle prévoit que tous les binationaux, y compris ceux qui sont nés Français, risquent la déchéance de nationalité s'ils sont définitivement condamnés pour terrorisme ou pour crime contre la nation. le texte du gouvernement prévoit qu'ils doivent effectuer leur peine en France et qu'à l'issue de cette peine, ils seront déchus et expulsés.

"Il ne pouvait pas y avoir d'autres solutions que l'adoption de cette mesure "

"A partir du moment où c'était un engagement du président de la République et que nous avions un avis particulièrement clair du conseil d'Etat sur la nécessité d'une réforme constitutionnelle, il ne pouvait pas y avoir d'autres solutions que l'adoption de cette mesure ", a expliqué Manuel Valls. Le Premier ministre juge que la mesure est plus "symbolique " que réellement efficace pour lutter contre le terrorisme. Et s'il prévient qu'il défendra la mesure, il admet que certains puissent avoir des "doutes ".

"La dernière parole est celle du président"

A ses côtés, la garde des Sceaux, Christiane Taubira, aura sans doute raison de prendre ce bémol pour elle. Sa position a bien révélé les divisions qui fracturent la gauche sur la question. Depuis Alger où elle se trouvait mardi, elle avait un peu vite enterré la mesure en affirmant qu'elle n'avait pas été "retenue ". Avalant son chapeau, la ministre a répondu par l'ironie aux questions sur son maintien à son poste. "La seule fois où je me suis exprimée sur la déchéance de nationalité (...) je n'ai pas hésité à dire que ceux qui retournent leurs armes contre leurs compatriotes s'excluent eux même de la communauté nationale ", a justifié Christiane Taubira. La dernière parole est "celle du président ", admet-elle.

Une partie de la gauche se révolte

De fait, sitôt l'annonce faire, une partie de la gauche est montée au créneau, jusqu'au sein du parti socialiste, comme le député de Paris, Pascal Cherki, qui a affirmé qu'il ne voterait pas la révision constitutionnelle. De longues tractations s'annoncent, une fois encore, entre le gouvernement et sa majorité pour éviter un rejet au Parlement. Plus à gauche, le PC est vent debout contre la mesure et les écologistes évoquent une "triangulation scandaleuse ".

La droite gênée, le FN surenchérit

Car cette fois, Manuel Valls ne peut pas faire fond sur un soutien massif de la droite. Egalement député de Paris, mais LR, Claude Goasguen reflète une position largement partagée à droite : que la déchéance de nationalité telle que présentée dans le projet est une "mesurette " et que Christiane Taubira doit démissionner. Position tout de même difficile car Laurent Wauquiez lui-même avait estimé le projet votable si la déchéance y figurait.

Au Front national, on tente la surenchère : Florian Philippot, le vice-président, prend acte et estime possible de voter la révision constitutionnelle, mais demande que la déchéance de nationalité soit adoptable sans juge.

Pas de sortie progressive de l'état d'urgence

Cette question et les problèmes qu'elle pose sera sans doute celle qui fera couler le plus d'encre. Mais elle n'est pas le seule annoncée par Manuel Valls. Ainsi, le Premier ministre a-t-il précisé qu'une rétention de sûreté frapperait les personnes considérées comme "dangereuses " à l'issue de leur peine. Par ailleurs, le gouvernement a rejeté l'idée d'une sortie progressive de l'état d'urgence. Pas de mesures qui se poursuivent après son extinction : il faudra voter une prorogation.

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