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Comment Nicolas Sarkozy prépare son retour pour 2017

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
L'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, arrive au concert de sa femme, Carla Bruni, le 6 décembre 2013 au casino de Monte-Carlo. (MAXPPP)

L'ancien chef de l'Etat est désormais persuadé qu'il va devoir revenir sur la scène politique dans les prochains mois. Francetv info a enquêté auprès de ses proches pour comprendre comment il s'y prépare.

C'est l'un de ses plus proches amis qui nous l'assure : "Il ne se pose plus la question de savoir s'il va devoir revenir ou pas. Désormais, son sujet, c'est de savoir ce qu'il va proposer aux Français le jour venu." Un an et demi après s'être placé en retrait de la vie politique, Nicolas Sarkozy ne s'en cache plus : face à la situation économique et sociale du pays, il considère définitivement que d'ici à 2017, il sera le seul, à droite, à pouvoir proposer un projet susceptible d'emporter l'adhésion d'une majorité de Français.

Pour comprendre comment il prépare son retour sur le devant de la scène politique, francetv info a enquêté auprès de ses proches. A quelle date reprendra-t-il la parole ? Quel projet portera-t-il ? Que fait-il en attendant ?

Il consulte, il écoute, il réfléchit…

Depuis le 6 mai 2012 et la défaite face à François Hollande, tout se trame à 800 mètres du palais de l'Elysée. Au 77 de la rue de Miromesnil, dans le 17e arrondissement de Paris, Nicolas Sarkozy reçoit dans ses bureaux des dizaines et des dizaines de visiteurs. Occasionnels ou réguliers, hommes politiques ou grands patrons, artistes ou intellectuels... Tous font ce même constat, que résume un membre du premier cercle en ces termes : "Il bout d'impatience face à la déliquescence du pays." "Il est attristé de voir dans quel état les socialistes ont mis le pays, estomaqué par l'incompétence de François Hollande et très inquiet de ce qui pourrait se passer dans les mois à venir", développe son amie Danièle Giazzi, déléguée générale de l'UMP et élue parisienne, qui le connaît depuis plus de trente ans.

Pour en parler, il multiplie donc les rendez-vous. "C'est aussi une manière de montrer qu'il est encore dans le jeu, à ceux qui aimeraient qu'il ne le soit plus", analyse le député Franck Riester. "Il voit tout le monde... jusqu'aux quatrièmes et cinquièmes couteaux de l'UMP !" s'étonne un autre parlementaire francilien. "Il a besoin de voir du monde, de discuter, pour sentir ce qui se passe dans le pays", rétorque un de ses proches.

"Il s'intéresse beaucoup à la manière dont les élus voient les choses, comment ils regardent la situation du pays, ce qu'ils ressentent sur le terrain", acquiesce son ami Yves Foulon, député-maire d'Arcachon. "Nicolas Sarkozy est quelqu'un qui s'alimente beaucoup. C'est un haut fourneau", ajoute celui qui était sa plume à l'Elysée, Camille Pascal. De fait, ses anciens conseillers ont été invités à lui transmettre régulièrement des notes, sur tous les sujets qui peuvent faire l'actualité. "Il enregistre tout", ajoute Camille Pascal. A quoi cela servira-t-il ? "L'avenir le dira." 

Il mise sur une poussée du Front national et une UMP sans leader

Ce qui est certain, c'est que Nicolas Sarkozy s'attend à ce que la situation du pays s'aggrave encore dans les mois à venir. "S'il devait revenir, c'est que la situation aura empiré ou que, du moins, elle ne se sera pas améliorée", décrypte un ancien conseiller. "L'échec de la politique de François Hollande sera un élément déterminant : la France sera économiquement au tapis, il y aura un très fort rejet du politique...", prédit son ami Yves Foulon. "Sa stratégie, c'est d'attendre que la situation pourrisse bien comme il faut", observe un autre député UMP.

Nicolas Sarkozy quitte l'Assemblée nationale après un déjeuner avec l'association des amis de Chaban-Delmas, le 15 novembre 2013. ( PHILIPPE WOJAZER / REUTERS)

Le deuxième élément est politique. "Aux municipales, le FN risque de prendre quelques villes. Mais le pire, c'est aux élections européennes. Là, le Front va sortir numéro un, devant l'UMP. C'est une certitude", s'alarme un ancien ministre. "Ça va être un séisme politique", dit un ex-conseiller. "On a un système qui, jusqu'à présent, a permis de mettre de côté un parti qui fait pourtant 15 à 20%. Mais quand on est dans une période de crise comme celle-là, tout peut arriver. Et personne ne peut le souhaiter", développe Camille Pascal. Aussi Nicolas Sarkozy a-t-il récemment confié à un visiteur régulier qu'"en 2017, l'enjeu ne sera pas de savoir qui sera capable de battre Hollande, mais qui sera capable de battre Le Pen"

Or, pour faire face au Front national, "Sarkozy voit bien qu'à droite, il n'y a absolument personne", explique un proche. "Copé, Fillon... Il les dézingue ! Mais alors il y va comme un boucher !", rapporte un député qui le voit régulièrement. "Depuis la guerre pour la présidence du parti, presque plus personne ne trouve grâce à ses yeux", confirme son amie Danièle Giazzi. "Il est le seul à pouvoir faire le grand écart entre les centristes et les électeurs de Le Pen, enfonce Camille Pascal. Elle est là, l'équation politique."

Il se voit revenir à partir de 2015, en sauveur de la France

Dans un tel contexte, "Nicolas Sarkozy se voit en sauveur de la France", estime un de ses proches. En privé, il ne cesse d'ailleurs de le répéter : "Je ne reviendrai pas par envie, mais par devoir." "Son ambition, ce n'est pas d'être deux fois président de la République. Aujourd'hui, il a une vie agréable. Alors est-ce qu'il a envie de reprendre des coups, de déséquilibrer à nouveau sa famille, etc. ? Franchement, aucune ! Mais s'il faut revenir, il le fera, parce qu'il aime son pays par-dessus tout", explique un ancien conseiller. "Il dit être très heureux dans sa situation actuelle, mais si les Français souhaitent son retour, il ne se dérobera pas", ajoute le député Daniel Fasquelle, qui a déjeuné avec lui la semaine dernière.

L'ancien président, Nicolas Sarkozy, signe un autographe, le 27 septembre 2013 à Nice. (OLIVIER ANRIGO / REUTERS)

"Il rêve de créer un mouvement d'adhésion nationale à un grand projet pour la France. Il rêve d'être le candidat d'un grand écart social et politique", glisse encore Danièle Giazzi. "Désormais, le processus d'adhésion ou de rejet ne se joue pas sur le clivage gauche-droite, mais sur la personne", fait valoir dans Le Figaro Magazine le sondeur Pierre Giacometti, qui conseille Nicolas Sarkozy depuis près de vingt ans. Mi-novembre, lors d'un déjeuner devant les amis de Chaban-Delmas, le président-en-retrait a ainsi prôné "la diversité, le rassemblement, le respect des différences"

Ne reste plus qu'à régler quelques détails. Selon son entourage, Nicolas Sarkozy ne devrait pas reprendre la parole publiquement avant 2015. "S'il revient, c'est parce qu'il sera quasiment sûr de gagner. Donc il ne va pas revenir et entrer en campagne tant qu'on n'aura pas une idée précise de l'issue de la situation, explique un intime de l'ancien président. Par conséquent, le vrai rendez-vous, ce sera au printemps 2015, une fois que tous les scrutins – municipales, européennes, sénatoriales et régionales – seront passés."

Il veut "renverser la table"

Autre "détail" : la question des primaires, prévues à l'UMP en 2016. Ses proches sont unanimes : il est hors de question pour lui de s'y soumettre. "Il ne peut revenir que s'il y a une évidence, un appel du pays. A ce moment-là, l'UMP renoncera aux primaires, on le désignera par acclamation et on n'en parlera plus", dit dans Le Figaro Magazine son ancien conseiller, le député Henri Guaino. Un souhait qu'expriment d'ailleurs deux sympathisants UMP sur trois, dans un sondage Pollingvox publié la semaine dernière dans le magazine Valeurs actuelles.

"En définitive, une seule question se pose pour Sarkozy : celle de la nouveauté qu'il pourrait apporter, pour incarner un avenir plutôt que d'apparaître comme le président du passé", résume le député Franck Riester. Autrement dit, comment ne pas être un candidat par défaut ? "S'il y a une chose à laquelle il doit réfléchir en ce moment, c'est celle-là", estime Camille Pascal. "Le recours en politique, ça n'existe pas", disait lui-même Nicolas Sarkozy dans un documentaire diffusé sur D8 en novembre. Ceux qui le voient fréquemment confient avoir vu en lui une envie de "renverser la table". Avec quels hommes, quelles idées et quelles méthodes ? Pour l'instant, nul ne le sait, et rien ne serait de toute façon écrit. Camille Pascal sourit : "En politique, tout ce qui est prévu ne se réalise jamais..."

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