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La révolution fiscale de Hollande tuée dans l'œuf

Le grand impôt progressif promis par le candidat socialiste, né de la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, semble compromis. Son entourage minimise ce revirement.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
François Hollande lors d'un discours à Nantes (Loire-Atlantique), le 19 décembre 2011. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Ce devait être la mère de toutes les mesures prônées par François Hollande. Celle qui devait permettre à la fois de renflouer les caisses vides de l'Etat et de mettre en œuvre la "justice fiscale" chère au candidat socialiste. Sa réforme fiscale, dont les grandes lignes avaient été présentées durant la primaire, reposait sur un principe simple en apparence : fusionner l'impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée (CSG) pour créer un grand impôt progressif.

Mais ce dispositif phare pourrait être abandonné. Mardi 3 janvier, Les Echos relèvent qu'en lieu et place d'une "fusion", le candidat ne parle plus que de "rapprochement" entre les deux impôts.

• La réforme fiscale, c'est quoi ?

Dans leur ouvrage Pour une révolution fiscale, paru en janvier 2011, les économistes Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez avaient jeté un pavé dans la mare en proposant de revoir complètement le calcul de l'impôt en France. Objectif : le simplifier pour le rendre plus juste. Fini la CSG (prélevée à taux fixe sur les salaires pour financer la protection sociale), l'impôt sur le revenu, le prélèvement libératoire sur les revenus du capital, la prime pour l’emploi et le bouclier fiscal. Ces économistes veulent remplacer tous ces impôts et taxes par un seul grand impôt prélevé à la source sur les salaires et les placements suivant un barème progressif. 

Sans reprendre la totalité de ces propositions à son compte, François Hollande affirmait jusqu'à présent vouloir mettre en application cette idée de fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG, une mesure qui figure par ailleurs en toutes lettres dans le projet du Parti socialiste. Ainsi, dans une tribune parue dans Le Nouvel Observateur en août, François Hollande, alors candidat à la primaire, estimait que "la réforme fiscale est l'acte premier, la condition préalable à la formation d'un cercle vertueux", et proposait noir sur blanc "une fusion IR [impôt sur le revenu]-CSG".

• Pourquoi Hollande recule-t-il ?

Selon Les Echos, "les personnalités en charge du projet ont acquis la certitude qu'ils pouvaient remplir la plupart de leurs objectifs sans passer par un 'grand soir' fiscal". "La fusion n'est pas un but en soi, lâche Michel Sapin, fidèle lieutenant de Hollande, cité par le quotidien économique. Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur système."

Principale raison invoquée par l'entourage du candidat : la complexité du dispositif à mettre en place. "L'analyse de Piketty, Landais et Saez est intéressante mais incomplète, car elle n'évoque pas l'impôt sur les sociétés, ni l'impôt sur la fortune. La fusion CSG-impôt sur le revenu peut séduire, mais la réalité est plus compliquée que la théorie", appuie l'économiste Philippe Aghion, coordonnateur du cercle d'économistes qui conseille François Hollande depuis le mois d'août, ajoutant que ce dispositif risquait en outre de "pénaliser l'épargne".

L'influence de ces économistes a semble-t-il joué sur la nouvelle position du candidat socialiste. Philippe Aghion et Elie Cohen, autre membre de cette garde rapprochée, avaient d'ailleurs publié en mars dans Le Monde une tribune très critique vis-à-vis de la "révolution" proposée par Thomas Piketty et reprise par le PS. "A sauter trop vite de l'analyse aux propositions on peut finir par perdre en crédibilité", écrivaient-ils. François Hollande les a entendus.

Autre raison pour laquelle cette fusion a du plomb dans l'aile : elle nécessiterait, pour être efficace, une individualisation de l'impôt, et donc la suppression du "quotient conjugal", qui octroie une déduction fiscale aux couples qui paient des impôts ensemble. Ce à quoi se refusent de longue date les lieutenants du député de Corrèze.

• Les proches de Hollande minimisent son revirement

Autour du candidat, on relativise cette marche arrière. "Ce n'est ni un renoncement ni une reculade", assure Philippe Aghion, rappelant qu'en janvier 2011, François Hollande avait émis des réserves sur la "révolution fiscale" proposée par les trois économistes : "A force de simplicité, leur réforme pèche peut-être par simplisme", argumentait-il dans Libération.

"L'idée d'une fusion n'est pas abandonnée, affirme un autre proche de François Hollande, le député PS Jérôme Cahuzac. Mais elle nécessite au préalable une réforme de l'impôt sur le revenu. C'est celle-là que nous allons mener en urgence, afin de rétablir au plus vite une justice fiscale", promet le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Mardi soir, sur le plateau du JT de France 2, François Hollande a de nouveau évoqué une "fusion" des deux impôts, mais sans en préciser ni les détails ni le calendrier.

Quant à la retenue de l'impôt à la source, autre caractéristique phare de la réforme fiscale, Jérôme Cahuzac estime qu'"elle doit se faire, car elle permet de gommer les accidents de la vie". Tout en précisant que là aussi, "un délai sera nécessaire pour préparer l'administration fiscale à ce changement".

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