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François Hollande et la foi : "Comme en politique, il ne tranche pas"

A l'occasion de sa première visite au Vatican, francetv info explore cette facette complexe du chef de l'Etat en interrogeant Samuel Pruvot, auteur de "François Hollande, Dieu et la République".

Article rédigé par Simon Gourmellet - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
François Hollande serre la main du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, lors de la cérémonie des vœux présidentiels, à l'Elysée, le 7 janvier 2014.  (CHRISTOPHE ENA / AFP)

Hasard du calendrier, les deux François vont se rencontrer pour la première fois le jour de la Saint-François. Le chef de l'Etat est reçu par le pape, vendredi 24 janvier, alors qu'il est à la recherche d'une réconciliation avec l'électorat catholique français, en majorité hostile à sa politique.

Quel rapport entretient François Hollande avec la religion ? Pour explorer et mieux comprendre cette facette du chef de l'Etat, francetv info a demandé l'éclairage de Samuel Pruvot, auteur de François Hollande, Dieu et la République (éditions Salvator).

Francetv info : François Hollande est-il croyant ? 

Samuel Pruvot : Il l'a été, mais ne l'est plus. Né dans une famille croyante et ayant fait une bonne partie de sa scolarité dans des établissements catholiques, le chef de l'Etat a cette culture catholique, qui semble aujourd'hui le gêner. Plutôt que de le qualifier d'athée, je préfère le terme de décroyant. C'est-à-dire qu'à un moment de sa vie, il a eu foi en Dieu avant que, progressivement, cette croyance ne s'érode. On peut estimer le début de ce changement progressif à son arrivée à Paris et aux événements de Mai-1968. Une époque qui correspond à la découverte de sa passion pour la politique.

Il est aujourd'hui agnostique, c'est-à-dire qu'en l'absence de preuve de l'existence, ou non, de Dieu, il ne se prononce pas. Il ne tranche pas, un peu comme en politique, où ses opposants lui ont souvent reproché son manque de décision.

Quelle est sa position en tant que chef de l'Etat ?

François Hollande est extrêmement réservé sur le sujet, et en parle très peu. Il n'est pas en conflit ouvert avec l'Eglise, mais se veut profondément laïque, au point d'avoir voulu, au début de son mandat, inscrire ce principe dans la Constitution. Pour lui, la religion relève de la sphère privée, et n'a pas sa place dans le débat politique. Le retour en force d'une partie des catholiques lors du débat autour du mariage pour tous l'a déstabilisé.

La laïcité revendiquée a été d'autant plus mal perçue par la communauté catholique que le chef de l'Etat a multiplié les maladresses à l'égard de l'Eglise, comme avec cette plaisanterie après l'annonce de la démission de Benoît XVI : "Nous ne présentons pas de candidats." Une boutade qui n'a fait rire personne au sein de l'Eglise.

Pourtant, il n'a pas totalement tourné le dos à la religion.

Non, pour preuve, ses trois amis parmi les plus proches, Bernard Poignant, Jean-Pierre Mignard ou encore Jean-Pierre Jouyet, sont considérés comme des catholiques de gauche. Les deux premiers l'accompagnent d'ailleurs lors de cette visite au Vatican. Ce sont eux qui lui ont demandé de faire des efforts sur le sujet.

On a ainsi pu constater un changement dans son discours lors de la libération du père Georges Vandenbeusch. Sa présence sur le tarmac de l'aéroport de Vélizy-Villacoublay à l'aube pour accueillir l'ex-otage au Cameroun a été surprenante, tout comme son discours sur place. Le chef de l'Etat a ainsi fait l'éloge de son "énergie" sacerdotale, et salué ses "convictions religieuses" qui lui ont permis de tenir durant sa captivité. Une première.

Depuis son élection, François Hollande s'est rendu à plusieurs reprises à Rome. Il n'avait pourtant jamais demandé à rencontrer le pape auparavant. Pourquoi le fait-il maintenant ? 

Après sa victoire, son électorat n'aurait pas compris qu'il se rende si rapidement au Vatican rencontrer le pape Benoît XVI, et attendait plutôt une rupture avec la "laïcité positive" de son prédécesseur. Il a également eu depuis d'autres dossiers plus urgents à régler. Mais aujourd'hui, il n'a rien à perdre. Aller à la rencontre du pape François, l'homme de l'année selon Time, ne lui fera pas de mal. C'est aussi le moyen de désamorcer les polémiques sur son pseudo-anticléricalisme. Comment peut-il mépriser les catholiques alors qu'il serre la main du pape ? 

Que faudra-t-il surveiller lors de cette rencontre ? 

Surtout la gestuelle des deux hommes. On se souvient que lors de la visite de Nicolas Sarkozy à Benoît XVI, les deux hommes étaient en décalage : l'enthousiasme du chef l'Etat français face à un pape beaucoup plus mesuré. Ce genre d'observation permettra de savoir si le courant passe bien entre les deux hommes.

Ensuite, il faudra analyser ce qui s'est dit lors de leur entretien, notamment sur les questions sociétales, comme la fin de vie ou l'IVG. Même si François Hollande ne tiendra pas forcément compte des recommandations du chef de l'Eglise, c'est un signe d'apaisement à destination des catholiques.

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