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Fabius au Quai d'Orsay, le retour de l'ancien rival

Fervent ennemi de François Hollande au sein du PS pendant plusieurs années, l'ancien Premier ministre a été nommé mercredi au ministère des Affaires étrangères. Le fruit d'un mariage de raison célébré au lendemain de la primaire socialiste. 

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
François Hollande et Laurent Fabius lors d'une rencontre à Rouen (Seine-Maritime), le 15 février 2012. (CHESNOT / SIPA)

"L'éléphant caché derrière une fraise des bois", c'est lui. "Monsieur Petites Blagues", c'est encore lui. "Hollande président de la République ? On rêve !", toujours lui. Pendant des années - et jusqu'à très récemment -, Laurent Fabius et François Hollande se sont haïs. Mais mercredi 16 mai, le second, revêtu de son habit de président de la République, a pourtant décidé avec son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, de nommer le premier au ministère des Affaires étrangères, poste majeur du gouvernement s'il en est. Le fruit d'une réconciliation amorcée au lendemain de la primaire socialiste...

L'animosité entre les deux hommes était pourtant historique. "Déjà dans les années 1990, Hollande et Fabius ne s'appréciaient guère. Ils se surveillaient à distance comme si l'un avait la peste et l'autre le choléra", se souvient un député proche de l'ancien Premier ministre. La défaite de Lionel Jospin, en 2002, semble apaiser les relations. "Elles étaient devenues plus cordiales. Laurent pensait peut-être que François allait se ranger derrière lui pour 2007", explique le député fabiusien Philippe Martin.

A la fin de l'été 2004, le divorce sur la question européenne

Tout vole en éclat au moment de la campagne sur le traité constitutionnel européen. Hollande, premier secrétaire du PS, milite pour le "oui", Fabius, numéro deux, est partisan du "non". A la fin de l'été 2004, le premier, en tant que numéro un du parti, décide que les militants socialistes trancheront par référendum interne sur la ligne à adopter. Fabius est furieux. Le 1er décembre, le "oui" l'emporte à 59%. Entre-temps, Hollande fait comprendre à l'ancien Premier ministre qu'il ne le soutiendra pas à l'élection présidentielle. Le divorce est consommé. Les hommes se croisent, mais ne se parlent plus.

Laurent Fabius et François Hollande lors d'une conférence de presse du PS, le 15 mars 2004. (DANIEL JANIN / AFP)

Six ans plus tard, sans surprise, Laurent Fabius ne compte pas parmi les soutiens de François Hollande à la primaire socialiste. "Pour être élu président de la République, je vais vous dire les choses clairement (...), je crois qu'il y a deux personnes - moi-même étant mis à part - qui ont la carrure : Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry", explique-t-il. DSK hors jeu, Fabius se range logiquement derrière Aubry. "Mais dès le lendemain de la désignation de Hollande, il est allé le voir et s'est mis à sa disposition. Il a fait preuve d'une double volonté : faire gagner son camp, et faire le choix du dépassement des querelles passées", raconte Philippe Martin. Une réconciliation qui n'a pas été sans "surprendre" les fabiusiens. "Chacun a fait un pas vers l'autre. Ils ont tous les deux réagi de manière très intelligente."

Après la victoire de Hollande à la primaire, le mariage de raison

"La question, c'est 'est-ce qu'on veut gagner ?' A partir du moment où on le décide, on agit, on travaille", expliquait Laurent Fabius au Figaro au sujet de ce mariage de raison post-primaire. "Il ne faut pas avoir de rancœur", commentait lui-même François Hollande au sujet de leur animosité passée, au point de confier à Laurent Fabius la préparation des cent premiers jours de la présidence, la confrontation avec Nicolas Sarkozy lors d'une émission sur France 2 et, désormais, les clés du Quai d'Orsay.

A 65 ans, le plus expérimenté des socialistes - ministre du Budget de 1981 à 1983, de l'Industrie et de la Recherche de 1983 à 1984, chef du gouvernement de 1984 à 1986, président de l'Assemblée nationale de 1988 à 1992 et de 1997 à 2000, ministre de l'Economie de 2000 à 2002... - n'aura cependant pas la tâche facile.

Il devra notamment piloter avec le ministre de la Défense le délicat retrait des troupes françaises d'Afghanistan promis avant la fin de l'année, plaider pour une réforme de l'ONU et notamment un élargissement de son Conseil de sécurité, négocier le dossier syrien, ou encore ouvrir de nouvelles discussions pour la paix entre Israël et la Palestine tout en soutenant la reconnaissance internationale d'un Etat palestinien.

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