En janvier, on ne gagne pas une élection mais on peut la perdre
La présidentielle est dans trois mois et demi. La campagne a commencé depuis longtemps, mais c'est maintenant qu'elle démarre auprès de l'opinion publique. Rien ne sert de courir, il faut partir à point. La Fontaine est-il un bon analyste politique ?
Cette année, il n' y aura pas de trêve des voeux. Aucun des candidats à l'élection présidentielle ne souhaite laisser Nicolas Sarkozy, le toujours-président-mais-pas-encore-officiellement-candidat, seul sur ce terrain là, en ce début du mois de janvier. De fait, cela fait longtemps que l'esprit des voeux, période de politesse républicaine, n'est plus tout à fait respecté les années d'élection.
Un mois crucial
Car à trois mois et demi du premier tour, il n'y a pas de temps à perdre. Car si tout ne se joue pas au mois de janvier, beaucoup de choses néanmoins se mettent en place. Pour résumer, pendant cette période, on ne gagne pas une élection, mais on peut la perdre.
"Janvier, c'est le lancement de la dynamique de campagne. Jusqu'içi chacun fourbissait ses armes. Là, c'est vraiment parti", confie Louis Aliot, le directeur de campagne de Marine Le Pen. La candidate du FN tiendra un meeting tous les dimanches de janvier.
"Avant Noël, les élections c'est du virtuel. En janvier, l'électorat commence à se cristalliser", renchérit Roger Karoutchi, sénateur UMP.
Une deuxième chance ?
François Hollande, lui aussi, annonce un agenda déjà très rempli pour ce premier mois de l'année. L'idée est de montrer "que face à un président distant et enfermé dans l'exercice très formaté des vœux, François Hollande montrera qu'il est proche des Français et dans le mouvement", comme l'explique Manuel Valls cité par le journal "Le Monde".
Le candidat socialiste s'offre surtout une séance de rattrapage après une entrée en campagne, considérée comme ratée ou du moins décevante. M. Hollande a-t-il le temps de rectifier le tir ?
"Peu importe le mois, une erreur est toujours difficile à rattraper lors d'une présidentielle", déclare, en riant, Marielle de Sarnez, directrice de campagne de François Bayrou pour la troisième fois. "Mais c'est vrai, c'est très difficile de rattraper le coup après un mauvais début de campagne. Il y a un engrenage. Vous êtes obligés de dire : je relance ma campagne. Et c'est une deuxième erreur", poursuit-elle.
Elle vise évidemment la campagne de M. Hollande mais elle applique également ce précepte à la campagne de M. Bayrou en 2002.
Premières réunions publiques
Janvier, c'est aussi la date des premiers meetings, ou du moins de l'intensification de ceux-çi. Or, quel est le but d'une réunion publique ? Il ne s'agit pas de convaincre une foule déjà acquise mais de mobiliser ses partisans.
"Le mois de janvier, c'est le moment où on assure sa base électorale de premier tour", confirme Roger Karoutchi, en charge de la mobilisation des militants en 2007. "C'est au mois de mars au vu des sondages que l'on peut commencer à penser au second tour et à s'adresser au-delà de son électorat traditionnel".
M. Aliot est d'un avis légèrement différent qui est aussi un acte de foi. "Aujourd'hui, notre socle électoral de 15 à 20% est acquis. En janvier, on peut commencer à regarder au-delà".
Janvier c'est aussi la période de présentation des programmes, même si les candidats réchignent aujourd'hui à aligner une liste de propositions sous forme de catalogue.
Néanmoins, Denis Baupin, un des membres de l'équipe de campagne d'Eva Joly, le reconnaît: "Avant Noël, on découvre les débats qui seront au coeur de la présidentielle". "En janvier, c'est le moment où il faut réussir à exister par ses propositions", ajoute t-il.
Sous peine de disparaître ?
" Si on est mal placé jusqu'ici, fin janvier, on doit commencer à sentir une rupture ou une inversion dans les tendances des sondages. Sinon ce n'est pas bon signe", explique M. Karoutchi.
Faux suspens
Tous concèdent qu'en janvier, il faut marteler le discours et les fondamentaux établis par la stratégie de campagne. Ce n'est qu'au mois de mars qu'on peut ajouter des propositions nouvelles ou ajuster ses discours. Soit en fonction du concurrent qu'on cible dans la dernière ligne droite par rapport à la hiérarchie établie dans les sondages. Soit en fonction des réactions de l'opinion à sa campagne. Mais, il est peut être déjà trop tard.
Car en fait, il n' y a pas véritablement de surprises lors d'une élection présidentielle. "Tout ce qui se révèle après est, en fait, déjà là. Ce qu'on lance au début d'une campagne est plus fort que tout. Cela forge l'image du candidat dans l'inconscient de l'électeur", résume Mme de Sarnez .
Les candidats mal placés fin janvier pourront toujours garder espoir en souhaitant que l'actualité change la donne. Celle de ce début d'année récèle une incertitude majeure : la crise européenne et une éventualité possible, attendue par beaucoup, les développements judiciaires de l'affaire Karachi.
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