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Visite d'Emmanuel Macron au Niger : "Paris peut faire figure d'allié un peu encombrant"

Yves Trotignon, professeur à Sciences-Po, a mis en garde contre une trop grande présence française au Sahel  "Les Français peuvent être ressentis comme une force d'occupation (...) Cela donne le sentiment que les Français sont chez eux au Sahel".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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  (LUDOVIC MARIN / AFP)

Emmanuel Macron a réveillonné avant l'heure vendredi 22 décembre avec des centaines de soldats français déployés au Niger. "Le Sahel est une priorité", a assuré le président de la République. "C'est là que se joue beaucoup de notre sécurité et une partie de notre avenir", a-t-il ajouté, ce qu'a confirmé sur franceinfo le spécialiste Yves Trotignon, professeur à Sciences-Po et consultant dans un cabinet privé.

Selon lui, le Niger est "un pays central", "le dernier pays [de la région] qui a l'air de tenir face au terrorisme". Problème : "Paris peut faire figure d'allié un peu encombrant" et de "force occupante".

franceinfo : le Niger est-il un acteur-clé dans la lutte contre le terrorisme aujourd'hui ?

Yves Trotignon : C'est un pays pivot. Si vous regardez une carte de la région, c'est le pays qui est juste au sud de la Libye, qui est coincé entre le Mali et le Tchad et qui a une frontière très agitée avec le Nigéria. C'est donc un pays central. Et c'est le dernier pays qui a l'air de tenir face au terrorisme.

Qu'attend la France du Niger dans cette lutte contre le terrorisme ?

C'est très mystérieux. Le Niger est une base de départ des avions et des drones. Les Américains s'y déploient aussi. Les Français attendent plein de choses de leurs partenaires sur place : une plus grande efficacité militaire, une meilleure coordination en termes de renseignement... Mais la question politique n'est jamais posée. Celle des discussions entre communautés, celle de la résolution des crises politiques internes. (...) La guerre, c'est une chose, et les Français la font bien. Est-ce qu'ils produisent pour autant un effet politique positif qui fait qu'ils pourront partir dans cinq ou 10 ans ? On n'en est pas sûr du tout.

À l'inverse, qu'attend le Niger de la France aujourd'hui ?

C'est une très bonne question. (...) Paris peut faire figure d'allié un peu encombrant. Les autorités gouvernementales ont besoin de Paris, en termes de soutien financier, économique, politique, de transmission de renseignements, de coopération militaire... Mais en même temps, les Français peuvent être ressentis comme une force d'occupation. On a d'ailleurs vu des manifestations anti-français au Niger il y a deux ans. Le problème, c'est que c'est le terrain, la menace qui commandent. Les Français peuvent donc intervenir là où les pays de la région ne peuvent pas. Cela donne le sentiment que les Français sont chez eux au Sahel. Et cela nourrit toute une polémique et toute une narration politique dans la région, qui n'est pas seulement jihadiste, d'ailleurs. C'est une narration qui dit que les Français sont revenus en conquérants et qu'ils ne partiront jamais.

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