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Face à Macron, les proches de Hollande sonnent la charge

Plusieurs dirigeants sociaux-démocrates ont refusé de s'afficher avec le leader d'En Marche ce week-end. Et l'ancien ministre, qui rêve de l'Elysée, pourrait se retrouver isolé. D'autant qu'en coulisses, les soutiens de François Hollande ont lancé les grandes manœuvres.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Emmanuel Macron, le 14 septembre 2016 près de Rennes (DAMIEN MEYER / AFP)

Il y a une semaine encore, un économiste proche d'Emmanuel Macron s'enthousiasmait, des étoiles dans les yeux : "Vous imaginez, Macron au milieu de Matteo Renzi [le Premier ministre italien] et Sigmar Gabriel [le vice chancelier allemand], toute la gauche réformiste européenne réunie avec lui... Ça va être formidable !" 

C'était en effet le plan initial : un colloque, organisé à Lyon, vendredi 23 et samedi 24 septembre, réunissant tout ce que la social-démocratie européenne compte de têtes d'affiche. Le maire de Lyon Gérard Collomb, premier supporter d'Emmanuel Macron, annonçait même la présence de membres de l'équipe d'Hillary Clinton.

Un futur candidat esseulé ?

Las ! Ces désistements en cascade rendent l'affiche moins attrayante... Et la photo de famille moins prestigieuse pour le patron d'En Marche. Certes, Emmanuel Macron interviendra toujours en clôture de ce rassemblement, samedi après-midi. Mais aucun chef de gouvernement ne sera là pour lui serrer la main. Pierre Moscovici, aujourd'hui Commissaire européen aux Affaires économiques, n'en sera pas non plus. Il s'est décommandé en début de semaine, se fendant d'un coup de fil assez sec à Gérard Collomb.

Il y avait un risque d'instrumentalisation évident. Au départ, c'était une réunion de réformistes, avec un ministre. A l'arrivée, ça ressemblera plus à un meeting de soutien à un candidat. Pas question de servir de tête de gondole.

Pierre Moscovici

à franceinfo

L'ancien dirigeant socialiste rejette le positionnement "ni de droite, ni de gauche" d'Emmanuel Macron. "La vie politique suppose qu'on ait des bases, pas une ambiguïté. La social-démocratie est à rebâtir, mais de l'intérieur." Même le think-tank Terra Nova, proche du PS et co-organisateur de l'événement, a préféré se retirer, ne voulant pas "mettre à mal sa crédibilité".

Le PS fait pression

Ces annulations pourraient paraître anecdotiques si elles n'étaient symptomatiques de la pression grandissante qui s'exerce sur Emmanuel Macron. "La chasse au Macron est lancée", lâche Gérard Collomb dans une formule qui ferait presque passer son protégé pour une victime. "Et il y a beaucoup de rabatteurs." Notamment, pense-t-il, chez les partisans du président.

Premier terrain de chasse : les parlementaires. L'entourage d'Emmanuel Macron assure avoir rallié 45 députés ou sénateurs, conviés tous les quinze jours à déjeuner avec leur favori ? Au Parti socialiste, on minimise : "Toutes ces bonnes personnes, à un moment, auront besoin du PS", réagit, un poil méprisant, un cadre du parti.

L'appareil socialiste survivra quoiqu'il arrive, à la primaire ou à une défaite éventuelle de François Hollande. Il donne les investitures, donc les députés resteront fidèles.

une ministre

à franceinfo

La direction du PS est justement en train de se pencher sur les investitures pour les prochaines législatives. "La pression est maximale", assure un soutien d'Emmanuel Macron à franceinfo. "On dit aux députés : 'ta circo, tu vas voir comment on va s'en occuper'..." Un proche du président rétorque : "Les mêmes qui se seraient ralliés à Emmanuel Macron m'envoient des textos pour dire : 'si François Hollande y va, je le soutiendrai'."

De la question du calendrier

Une partie de poker menteur, donc, dans laquelle la question du calendrier devient cruciale. Qui sera le "maître des horloges" ? François Hollande a toujours dit qu'il se prononcerait en décembre. Emmanuel Macron assure que le temps du "diagnostic", puis celui des "propositions", doit précéder celui de l'"incarnation". Mais dans chaque camp, on pense à accélérer le tempo.

Du côté d'En Marche, les proches de l'ancien ministre de l'Economie n'ont plus "aucun doute" sur le fait que leur poulain se lancera dans la bataille. "Il doit se déclarer très vite, s'impatiente-t-on. Comme ça, on ne pourra pas dire qu'il y va contre François Hollande, puisque Hollande n'est pas encore candidat. Il ne faut plus attendre."

"François Hollande doit le prendre de vitesse"

Chez les partisans du président, c'est le même raisonnement – mais du point de vue opposé. "Il y a une partie de bluff entre Emmanuel Macron et le président, analyse une ministre. Que fera Emmanuel Macron le jour où François Hollande dira 'je suis candidat' ?" Ce jour-là, les parlementaires ambivalents seront obligés de rallier l'un ou l'autre camp. Et une fois son ancien mentor officiellement candidat, Emmanuel Macron aura du mal à se déclarer sans relancer les accusations de trahison à son encontre.

Sondage après sondage, la stratégie d'empêchement mise en place par Emmanuel Macron devient de plus en plus dangereuse pour le président. "François Hollande doit le prendre de vitesse, il faut qu'il impose son terrain de jeu. Sinon il risque de se retrouver dans cette situation absurde où il ne pourra pas se présenter", s'inquiète ainsi un ténor socialiste.

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