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Mise sur écoute, perquisition chez son avocat : les juges ont-ils violé les droits de Nicolas Sarkozy ?

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Nicolas Sarkozy, le 11 décembre 2009, lors d'un sommet européen à Bruxelles (Belgique). (WU WEI/CHINE NOUVELLE/SIPA)

Des avocats se sont mobilisés, lundi, pour contester les conditions dans lesquelles l'ex-chef de l'Etat et son avocat ont été écoutés. Leurs arguments sont-ils recevables ?

Vent de colère sous les robes noires. Le Conseil national des barreaux, qui représente les avocats français, a publié, lundi 10 janvier, un communiqué s'insurgeant "contre les pratiques illégales" des magistrats qui ont mis sur écoute Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog. 

L'affaire, révélée vendredi par Le Monde, a incité le bâtonnier de Paris, inquiet d'une atteinte au "secret professionnel", à lancer un appel à François Hollande. Y a-t-il vraiment une illégalité dans la procédure, qui reste encore largement secrète ?

Non, le secret professionnel n'est pas absolu

"Est-ce qu'on peut, impunément, quand on est magistrat instructeur, violer le secret professionnel ?" interroge l'avocat Francis Szpiner, sur France 3. Réponse : oui, sous condition.

Ce qui protège le secret : L'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 protège largement le secret professionnel des avocats, notamment dans leurs échanges avec leurs clients. De plus, les correspondances d'un client avec un avocat "ne peuvent être transcrites" si elles relèvent de l'exercice des droits de la défense, indique l'article 100-5 du Code de procédure pénale.

Ce qui limite le secret : S'il soupçonne une infraction grave (pouvant être condamnée par au moins deux ans de prison), le juge d'instruction peut demander la mise sur écoute d'un avocat ou de son client, en application de l'article 100 du Code de procédure pénale et de la jurisprudence. C'est sans doute ce qui s'est produit pour Nicolas Sarkozy, dans le cadre de l'enquête déjà ouverte sur un éventuel financement libyen de la campagne présidentielle de 2007.

Non, les écoutes et les perquisitions sont autorisées

Ce qui protège le secret : Même si la pratique est rare, l'avocat Thierry Herzog a été perquisitionné, apparemment de façon régulière. Les perquisitions chez un avocat sont en effet prévues et encadrées par l'article 56-1 du Code de procédure pénale. Dans ce cadre, le juge doit motiver sa décision en indiquant la nature de l'infraction visée par l'enquête et justifier le bien-fondé de la perquisition. Le bâtonnier, qui représente les avocats d'un barreau donné, doit en être informé et assister à la "visite" des lieux. Cette procédure semble avoir été respectée lors de la perquisition chez Thierry Herzog.

Pour procéder aux écoutes de Nicolas Sarkozy, le juge a également dû informer le bâtonnier de l'époque. Cette procédure est obligatoire dans le cadre d'une mise sur écoute d'un avocat, un métier qu'exerce l'ancien chef de l'Etat, inscrit au barreau de Paris. Christiane Feral-Schuhl a ainsi été "informée", écrit Le Journal du Dimanche.

Ce qui limite le secret : La décision de placer une personne sur écoute n'est ni motivée par le juge ni susceptible de recours. La mise en place du dispositif d'écoute est ensuite pilotée par le juge ou un officier de police judiciaire désigné pour cette mission. Elle est valable pour une durée de quatre mois, renouvelable à l'infini. "Le juge fait bien ce qu'il veut", résume l'avocate Marie-Alix Canut-Bernard sur le site de RTL

Non, les données peuvent être utilisées

Ce qui protège le secret : Le juge d'instruction n'a pas les pleins pouvoirs en matière de perquisition. "Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions", prévoit l'article 56-1 du Code de procédure pénale. De plus, si le bâtonnier s'oppose à la saisie d'un objet, le document en question est transmis au juge des libertés et de la détention. Il appartient alors à ce juge de décider si la pièce saisie pourra bien être versée dans le dossier du juge d'instruction. Il en sera ainsi du portable de Thierry Herzog, saisi lors de la perquisition, précise le site du Nouvel Obs.

Ce qui limite le secret : Que se passe-t-il si, lors d'une écoute, un juge d'instruction a vent d'une infraction sans lien avec son enquête ? Autrement dit, les écoutes portant sur l'éventuel financement libyen peuvent-elles être retenues contre Nicolas Sarkozy dans l'affaire Bettencourt ? "Aller au-delà des raisons ayant justifié l'ouverture de l'information judiciaire, c'est agir hors la loi, assure au site du Point l'avocat Christophe Ayela. Il faudra donc s'assurer que les juges ont stoppé toute écoute portant sur ces faits nouveaux, au risque de voir la procédure annulée." "La saisine des juges, c'est l'écoute téléphonique sur l'affaire de la Libye, ce n'est pas d'autres dossiers", abonde Pierre-Olivier Sur, bâtonnier de Paris, sur Europe 1. 

Une affirmation contredite par le président de l'Union syndicale des magistrats, Christophe Régnard. "L'article 40 du Code de procédure pénale oblige le juge à avertir le procureur de toute infraction qu'il découvrirait, même si cela ne concerne pas l'enquête, explique-t-il à francetv info. On appelle cela une procédure incidente, cela se fait tout le temps." Dans un arrêt de 2003, la Cour de cassation précise bien que la transcription d'écoutes est permise pour des faits "fussent-ils étrangers à la saisine du juge d'instruction".

"Sur le plan de la légalité stricte, la procédure a été respectée, reconnaît l'avocat Daniel Soulez Larivière, contacté par francetv infoCe qui pose problème, c'est que les règles aient été utilisées de manière exagérée, pendant des mois, sans bon sens ni mesure."

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