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Affaire Tapie : Nicolas Sarkozy peut-il être inquiété ?

Le nom de l'ancien chef de l'Etat revient souvent dans ce dossier embarrassant. Et les témoignages sur son rôle dans l'arbitrage se multiplient. Est-il protégé par son immunité ? Explications.

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'ancien président Nicolas Sarkozy arrive à son hôtel à Londres, le 3 juin 2013. (ANDREW COWIE / AFP)

L'étau de la justice se resserre sur les différents protagonistes de l'affaire Tapie. L'homme d'affaires a été placé en garde à vue lundi 24 juin. Il est entendu dans le cadre de l'enquête sur l'arbitrage controversé en règlement de son litige avec le Crédit lyonnais, qui lui a permis d'empocher 403 millions d'euros.

Les enquêteurs souhaitent comprendre le fonctionnement de la chaîne qui a conduit à cette décision favorable à Bernard Tapie. C'est donc l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, qui apparaît visé. L'arbitrage a en effet été rendu sous sa présidence, après des réunions à l'Elysée conduites par le secrétaire général, Claude Guéant. Et depuis de nombreuses années certains, à l'instar de François Bayrou, accusent l'ancien chef de l'Etat d'avoir voulu favoriser Bernard Tapie lors de cet arbitrage. Mais Nicolas Sarkozy peut-il être inquiété par la justice dans cette affaire ? Explications. 

Il est protégé par l'immunité présidentielle…

Nicolas Sarkozy et Bernard Tapie sont très proches depuis leur rencontre dans les années 1990. L'Express, qui en raconte la genèse, détaille les liens qui unissent ces "deux bêtes de scène à l'énergie hors du commun" fascinés par le bling-bling et "à l'aise lorsque les caméras tournent". Alors, quel rôle a joué Nicolas Sarkozy dans le processus menant à l'arbitrage favorable à l'homme d'affaires ? A-t-il cherché à favoriser son ami ? 

Pour Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, la solution de l'arbitrage a en tout cas été "validée par le président de la République, qui n'en a jamais fait mystère"Lors de son audition par les enquêteurs, ce collaborateur a mentionné une réunion organisée fin juillet 2007 à l'Elysée en présence de Claude Guéant, François Pérol (son adjoint), et surtout Bernard Tapie. Au Canard enchaîné, Stéphane Richard a assuré que le secrétaire général leur avait "donné pour instruction de recourir à un arbitrage". Le Monde, qui le qualifie de "faussé", évoque lui aussi une décision politique, à l'initiative de Nicolas Sarkozy et Claude Guéant.

La présence de Bernard Tapie à l'Elysée durant les négociations sur l'arbitrage jette un peu plus le doute sur la viabilité de la décision. Entre mi-2007 et fin 2008, l'homme d'affaires s'est ainsi rendu 22 fois au palais présidentiel, dont quatre pour des tête-à-tête avec Nicolas Sarkozy. Le reste du temps, c'est avec Claude Guéant et son adjoint qu'il s'est entretenu.

Que risque Nicolas Sarkozy ? Même si les enquêteurs montrent que l'arbitrage a été truqué, l'ex-président ne devrait pas être inquiété : il bénéficie en effet d'une immunité présidentielle. Toutes les décisions prises à partir de mai 2007 relèvent de sa fonction régalienne et il ne peut pas être poursuivi pour cela. Seul un crime de haute trahison pourrait remettre en cause sa protection.

… mais n'est pas totalement à l'abri de la justice

Reste que de nouvelles révélations pourraient le menacer. Selon Jean-Pierre Aubert, l'ex-patron du Consortium de réalisation, la structure s'occupant de liquider le passif du Crédit lyonnais, Nicolas Sarkozy aurait en effet demandé une médiation dans l'affaire Tapie dès juillet 2004, alors qu'il était ministre de l'Economie. France Info le cite : "Claude Guéant m'avait fait venir dans [le] bureau [de Sarkozy] et m'avait demandé d'accepter une solution transactionnelle." Une demande réitérée "en septembre/octobre 2004". En vain.

La période survenue juste avant l'élection présidentielle de Nicolas Sarkozy intrigue elle aussi. Les enquêteurs soupçonnent le candidat de l'UMP d'avoir passé un accord avec Bernard Tapie contre son soutien pendant la campagne. L'audition de Pierre Condamin-Gerbier, un témoin qui a raconté aux enquêteurs sa rencontre avec Bernard Tapie en février 2008, étaye cette thèse, révèle Le Monde.

Selon lui, lors de cette entrevue, l'homme d'affaires "était absolument certain de percevoir une très forte somme d'argent (…) d'une décision qui serait rendue en sa faveur dans le cadre d'un arbitrage entre lui et le Crédit lyonnais". Bernard Tapie lui aurait aussi indiqué que le chef de l'Etat "lui devait quelque chose en retour de son soutien public dans le cadre de la présidentielle 2007 et que (…) Nicolas Sarkozy allait nécessairement influencer la décision".

Que risque Nicolas Sarkozy ? Pas grand-chose. Il faudrait d'abord que la justice dispose d'éléments prouvant que l'ex-chef de l'Etat a joué un rôle actif dans le processus qui a mené à l'arbitrage, et ce dès 2004. Elle devra aussi prouver que la décision est liée au soutien de Bernard Tapie pendant la campagne. En tant que ministre de l'Economie puis de l'Intérieur à l'époque, Nicolas Sarkozy pourrait alors être entendu sur sa relation avec l'homme d'affaires par la Cour de justice de la République, qui juge les infractions commises par les ministres en exercice.

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