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Accord sur l'emploi : comment les députés pourraient modifier le projet de loi

Patronat et syndicats signataires craignent que le texte présenté aujourd'hui par Michel Sapin en Conseil des ministres soit dénaturé par le débat parlementaire.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le ministre du Travail, Michel Sapin, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à Paris, le 28 novembre 2012. (MARTIN BUREAU / AFP)

François Hollande a prévenu : l'accord sur l'emploi signé au forceps en janvier par le patronat et trois syndicats sur cinq (CFDT, CFTC, CGC) devra être retranscrit "fidèlement" dans la loi. C'est la mission à laquelle s'est attelé le ministre du Travail, Michel Sapin, qui présente son projet de loi mercredi 6 mars en Conseil des ministres.

Une transposition juridiquement très complexe qui n'aura pas été de tout repos pour le ministre et ses conseillers, qui ont légèrement revu leur copie après l'examen de l'avant-projet par le Conseil d'Etat. Francetv info résume ce que contient le texte et liste les modifications dont il pourrait faire l'objet au Parlement.

Ce que contient le texte

Pour faire simple, le projet de loi a pour but de "renforcer la sécurité de l'emploi" en donnant plus de souplesse aux entreprises face aux aléas de l'économie, mais aussi en consolidant l'accompagnement et la protection des salariés. Une sorte de "flexi-sécurité" à la française.

Côté flexibilité : des accords de "maintien dans l'emploi", conclus au sein d'une entreprise, pourront modifier le temps de travail ou la rémunération des salariés pendant une certaine période. En échange, la direction s'engagerait à ne procéder à aucun licenciement. De même, l'entreprise pourra conclure avec les syndicats des accords de mobilité géographique. Le projet de loi bouleverse par ailleurs la législation sur les plans sociaux.

Côté sécurité : tous les salariés pourront à terme bénéficier d'une complémentaire santé et de droits rechargeables à l'assurance chômage. Les mécanismes d'information des salariés seront renforcés, et – petite révolution – leurs représentants pourront siéger au conseil d'administration des grandes entreprises. En outre, le projet de loi prévoit une taxation de certains CDD pour tenter de limiter la précarité.

Fruit de trois mois de négociations, ce fragile compromis sera débattu à l'Assemblée nationale début avril. Alors que la CGT et Force ouvrière ont dénoncé ce texte dans la rue mardi, le patronat et les syndicats signataires insistent pour qu'il soit adopté en l'état, sans que le Parlement n'en modifie l'équilibre.

Les communistes, certains écologistes et l'aile gauche du PS, opposés au projet de loi, ne l'entendent pas de cette oreille et pourraient présenter des amendements communs. "Ne pas toucher au contenu de ce texte me pose un problème", proteste dans Le Parisien (article payant) le député Jérôme Guedj, figure de la gauche du PS, soulignant que cet "accord déséquilibré" n'a été signé "que par des organisations syndicales qui représentent moins de 50% des salariés". Leurs amendements auront peu de chances d'être adoptés.

Des marges de manœuvre existent cependant : le gros des troupes socialistes, favorable au projet de loi, compte en effet légiférer sur plusieurs points restés flous dans le texte gouvernemental. Tour d'horizon.

Plans sociaux : il faut "clarifier" la procédure

Le projet de loi présenté par Michel Sapin revoit de fond en comble le mécanisme pour mettre en œuvre un plan social. Premier cas : le plan social fait l'objet d'un accord majoritaire dans l'entreprise. Il doit alors être homologué par l'administration sous huit jours. Second cas : la direction décide un plan social unilatéral, et l'Etat a alors 21 jours pour l'homologuer.

Mais une question, en suspens, doit être tranchée par les parlementaires : reviendra-t-il à l'Etat, à l'occasion de cette homologation, de juger si les licenciements proposés ont effectivement un motif économique ? Ou bien cette question sera-t-elle du seul ressort des tribunaux, qui statuent bien plus tard ? "Il faut clarifier ce point", estime le rapporteur PS du texte à l'Assemblée, Jean-Marc Germain, contacté par francetv info. Conscient que les syndicats ne sont pas tous sur la même longueur d'ondes sur le sujet.

Mobilité géographique : vers la fixation d'une limite

Le texte présenté par le gouvernement ne fixe aucune limite géographique pour les mutations qui découleraient d'un accord de mobilité interne, celles-ci devant être précisées dans le cadre de négociations triennales au sein des entreprises. En présence d'un accord entre les syndicats et la direction, un refus du salarié pourra entraîner son licenciement.

Les députés pourraient être tentés de déterminer des bornes au-delà desquelles la loi interdirait cette possibilité de muter les employés. Une limite pas si simple à fixer, tant les infrastructures de transports peuvent différer d'une région à une autre, d'un site à l'autre.

Précarité : chasser les CDD abusifs ?

C'était l'un des points durs de la négociation de cet hiver : la CFDT a réussi à arracher une taxation des contrats à durée déterminée à laquelle s'opposait farouchement le patronat. Mais cette taxation ne s'appliquera qu'à une minorité des contrats courts. Ni à l'intérim, ni aux emplois saisonniers, ni aux CDD de remplacement.

Les députés n'envisagent pas de modifier ce point. Mais pour calmer les ardeurs de la CGT et de FO, ils pourraient instaurer une sorte de droit de suite. L'Etat pourrait par exemple réétudier un an plus tard la question de la précarité : s'il estime que les entreprises recourent abusivement aux CDD, des mesures plus strictes pourront être prises.

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