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Trois questions sur la "mère de toutes les bombes" larguée par les Etats-Unis en Afghanistan

L'armée américaine a visé un fief montagneux du groupe Etat islamique et a largué sa bombe non-nucléaire la plus puissante. C'est la première fois qu'elle est utilisée au combat.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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La bombe MOAB dans un lieu indéterminé, sur un document de l'armée américaine.  (US AIR FORCE)

"Je suis tellement fier de nos militaires. C'est un nouveau succès." Donald Trump n'est pas peu fier de sa dernière opération. La plus puissante bombe non-nucléaire de l'arsenal américain, surnommée la "mère de toutes les bombes", a été larguée, jeudi 13 avril, dans l'est de l'Afghanistan. Elle a détruit un réseau de tunnels utilisés par le groupe Etat islamique, et tué au moins 36 de ses combattants. Si le chef de l'Etat américain s'en est félicité, l'ancien président afghan Hamid Karzaï a dénoncé "une attaque inhumaine et un utilisation brutale de notre pays comme terrain d'essai". L'utilisation d'une telle bombe soulève par ailleurs plusieurs questions, sur fond de tensions croissantes avec la Corée du Nord.

Quelles sont ses caractéristiques ?

La bombe GBU-43 est connue sous l'acronyme MOAB, pour Massive Ordnance Air Blast, ce qui signifie en français bombe à effet de souffle massif. Longue de plusieurs mètres, cette bombe de 9,8 tonnes concentre une puissance explosive comparable à 11 tonnes de TNT. Elle a été larguée par la porte arrière d'un avion de transport C-130, et n'avait jamais été utilisée au combat auparavant. Sa chute est d'abord amortie par un parachute, pour laisser le temps à l'avion de s'éloigner en toute sécurité, puis elle est guidée par GPS jusqu'à sa cible. Elle explose juste avant de heurter le sol, ce qui crée une onde de choc destructrice.

"C'est la plus forte explosion que j'ai jamais vue. L'endroit a été envahi par des flammes très hautes", a commenté le gouverneur de la région où la "mère de toutes les bombes" a été larguée. D'après l'armée de l'air américaine, le dernier test de la bombe GBU-43 en 2003 avait provoqué un panache de poussière et de fumées visible à plus de 32 km. Selon un expert américain, cette bombe a une puissance égale à environ 1/30e de celle de la plus petite bombe nucléaire américaine actuelle, la B61-12.

Pourquoi a-t-elle été utilisée ?

Cette bombe a été lâchée en soutien aux forces afghanes et américaines opérant dans le district d'Achin, indique le Pentagone. Elle a visé une "série de grottes" dans le sud de la province de Nangarhar, où un soldat américain a été tué dans une opération contre les jihadistes le week-end dernier. En raison des tunnels et tranchées, "il était quasiment impossible d'avancer là", a précisé un porte-parole des forces spéciales afghanes, précisant que deux jours auparavant, les troupes au sol, prises en embuscade, avaient essuyé des pertes.

Je leur ai donné carte blanche. Franchement, c'est pour cela qu'ils ont autant de succès ces derniers temps. Si vous comparez ce qu'il s'est passé ces huit dernières semaines à ces huit dernières années, vous verrez qu'il y a une énorme différence.

Donald Trump

en conférence de presse

Le général John Nicholson, qui commande les forces américaines en Afghanistan, a estimé que cette bombe était "la bonne munition" pour venir à bout des bunkers et des tunnels de plus en plus utilisés par les jihadistes, "alors que leurs pertes augmentent". "La cible a été choisie pour assurer un maximum d'impact contre l'Etat islamique tout en évitant des victimes civiles", a-t-il ajouté, précisant qu'une évaluation des effets de la bombe était en cours.

Comment analyser cette frappe ?

Selon Chris Harmer, de l'Institute for the Study of War, une frappe massive laisse entendre que l'armée ne dispose pas de renseignements précis dans sa lutte contre le groupe Etat islamique en Afghanistan. "Vous ne l'utilisez pas si vous êtes en train de gagner", juge-t-il dans Politico (en anglais). "Le président Trump doit des explications au peuple américain sur l'escalade de la force militaire en Afghanistan et sa stratégie de long terme" contre le groupe Etat islamique, a réagi l'élue démocrate Barbara Lee. En 2001, elle était la seule à avoir voté "non" au Congrès, contre l'intervention américaine en Afghanistan.

Est-ce un avertissement adressé à la Corée du Nord ? "Je ne sais pas", a répondu Donald Trump. "Cela ne fait aucune différence si cela envoie un message ou non." Pour Mark Cancian, conseiller du cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies, si l'envoi d'un message d'avertissement à la Syrie ou à la Corée du Nord a pu entrer en ligne de compte, ce n'est pas la raison principale de l'utilisation de ce type d'arme.

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