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Cleveland : "Cette volonté de domination est extrêmement archaïque"

Pour mieux comprendre les motifs des frères suspectés d'avoir séquestré les trois jeunes femmes, francetv info a interrogé le psychiatre Serge Bornstein.

Article rédigé par Louis San - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un policier monte la garde devant la maison dans laquelle ont été découvertes trois jeunes femmes kidnappées dix ans auparavant, à Cleveland (Ohio, Etats-Unis), le 7 mai 2013. (BILL PUGLIANO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Deux jours après la libération des trois jeunes femmes enlevées il y a une dizaine d'années et gardées prisonnières dans une maison de Cleveland (Etats-Unis), les questions subsistent, mercredi 8 mai, sur les motifs et les profils psychologiques des ravisseurs et geôliers présumés. Pour mieux comprendre de tels actes, francetv info a interrogé Serge Bornstein, expert psychiatre auprès la Cour de cassation.

Francetv info : L'histoire de Cleveland rappelle celles de Wolfgang Priklopil, qui a retenu Natascha Kampusch prisonnière pendant huit ans, ou de Josef Fritzl, qui a séquestré sa fille pendant 24 ans. Quel est le profil psychologique de ces hommes?

Serge Bornstein : Il n'y a pas de profil particulier. Ces affaires sont trop exceptionnelles pour établir une codification. Il est impossible d'avoir une lecture fine et de les mettre dans une catégorie générale. Il ne peut s'agir que du cas par cas.

En revanche, on peut difficilement se tromper en affirmant que ces individus ont tous en commun une volonté d'affirmer leur domination absolue sur une autre personne. Ils recherchent une relation exclusive, fusionnelle, tout en assujettissant totalement l'autre. Et cette recherche de domination est extrêmement archaïque.

Comment l'expliquer ?

On retombe là sur des forces de l'instinct, profondément ancrées chez l'homme. Cela rappelle la horde primitive, avec un mâle dominant, qui a le pouvoir sur le clan. A l'origine, l'espèce humaine est faite pour vivre dans des petits groupes fermés, avec un mâle qui protège, mais aussi qui décide quand il veut s'accoupler avec telle femelle, quel individu mange à quel moment...

Dans ces cas de séquestrations, le confinement et l'isolement des personnes retenues ravivent l'image ancienne de ces petits clans. Dans ces lieux fermés, coupés du monde, les geôliers exercent un pouvoir totalitaire et autocratique. Les prisonnières sont leurs esclaves. Sans compter que l'enfermement provoque chez elles une régression intellectuelle. L'instinct fait qu'elles se soumettent pour obtenir de la nourriture et de la protection.

Cette nouvelle histoire va-t-elle modifier la façon dont travaillent les enquêteurs qui recherchent des personnes disparues ?

Non. Les enquêteurs ont de nombreuses pistes à explorer lors d'une disparition. Ils ne vont pas se focaliser sur l'hypothèse d'une séquestration prolongée. Je le répète : ces cas sont très rares. Ces situations hors normes ne nécessitent pas de pousser la réflexion plus loin afin de changer le mode d'investigation des enquêteurs.

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