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Quelle est l’idéologie de Daech ? La réponse du sociologue Farhad Khosroskhavar
Les membres de Daech font souvent allusion à leur volonté de rassembler les musulmans du monde au sein d’un même califat. Mais au-delà de ses références à l’islam, ce mouvement djihadiste possède-t-il une idéologie spécifique? Ses adeptes sont d’abord des activistes, répond Farhad Khosroskhavar, spécialiste de l’islam radical, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.
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Faites-vous une différence entre idéologie djihadiste et celle de Daech?
Il n’y a pas de différence majeure. L’idéologie djihadiste ne s’est pas renouvelée depuis une trentaine d’années. En 2001, lors des attentats aux Etats-Unis, elle existait déjà comme on la connaît aujourd’hui. L’apparition d’al-Qaïda et de la forme extrême du wahhabisme n’a rien changé. Aujourd’hui, tous ces groupes sont des frères ennemis qui condamnent les mêmes choses : les impies, la promiscuité occidentale, la démocratie, qui serait l’idolâtrie du peuple…
Quelle est la particularité de Daech ?
Idéologiquement, Daech ne présente aucune originalité. Le mouvement n’a rien apporté de nouveau, sauf à propos du califat : il se dit l’héritier du califat ottoman, aboli en 1924. Cependant, là où il présente une différence majeure avec les autres groupes, c’est qu’il s’adresse à la frange des 12-18 ans qui, justement, n’est pas sensible à l’idéologie. Pour ce faire, il a recours à des méthodes très rodées en reproduisant des séquences vidéos occidentales. D’ailleurs, ceux qui les conçoivent sont eux-mêmes occidentaux.
Il s’agit de donner à des adolescents imprégnés de culture virtuelle et d'internet, mais aussi à des adolescents attardés, le sentiment qu’ils se trouvent du côté des héros. On leur fournit de l’exotisme, une manière de s’affirmer, on leur montre comment éliminer le mal de manière radicale. On leur offre de la fascination, des sensations fortes, mais pas de l’idéologie. Les vidéos fabriquées par Daech utilisent le brouillage entre le réel et le virtuel tel qu’on le trouve dans des films comme Le Seigneur des anneaux. On se trouve ainsi dans un monde qui n’a rien de réel. C’est un univers onirique.
Peut-on parler d’«onirique» quand on voit la violence pratiquée par ces djihadistes?
Un univers onirique pour eux. Pour vous et moi, il est cauchemardesque!
Vous dites qu’il n’y a pas d’idéologie chez Daech. Pourtant, ses représentants font en permanence référence à l’islam!
Pour les plus jeunes, c’est un univers totalement désidéologisé. Pour la génération des 20-30 ans, le discours est plus articulé. Pour autant, c’est quelque chose qui reste très frustre et s’apprend très vite. Ceux qui arrivent en Syrie dans les rangs d’al-Nostra (proche d’al-Qaïda, NDLR) reçoivent un semblant d’enseignement qui dure cinq ou six semaines. Mais chez Daech, d’après ce que nous savons de ceux qui reviennent de là bas, tout cela reste plutôt marginal.
En fait, les membres de cette génération sont des activistes purs. Ils se sont radicalisés avant d’être islamisés. Une radicalisation née d’un malaise : ils ont la haine de la société, sont mal dans leur peau.
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