Cet article date de plus d'onze ans.

Internet, foyer de résistance anti-Poutine

Vladimir Poutine a l’habitude de se moquer du mouvement contestataire, né il y a un an en Russie, en qualifiant ses membres de «hamsters d’internet». Selon lui, ils sont juste bons à lancer des appels à la révolution en se cachant derrière la souris de leur ordinateur...
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Deux opposants russes célèbres, Garry Kasparov et Alexeï Navalny, le 31 janvier 2012 à Moscou. (AFP PHOTO / KIRILL KUDRYAVTSEV)

Le maître du Kremlin a au moins raison sur un point : le rôle d’internet est majeur dans les tentatives de coordination de l’opposition. En témoigne ce scrutin d’un nouveau genre qui s’est tenu entre le 20 et le 22 octobre 2012. Pour désigner une sorte de «parlement fantôme» de quarante-cinq membres de l’opposition, les principaux leaders des mouvements démocratiques ont organisé une élection sur internet.

Pour pouvoir voter, il fallait s’inscrire, donc accepter de s’afficher comme un sympathisant de l’opposition. Plus de 100.000 Russes l’ont fait et ils sont 81.000 à avoir finalement exprimé un vote parmi les 200 candidats qui ont postulé. Et ce, malgré un bug numérique (une attaque informatique venue des services secrets russes selon certains organisateurs) qui a bloqué le site le premier jour du scrutin.

Vladimir Poutine, le 22 octobre 2012. Le président russe est revenu en mai 2012 au Kremlin pour un 3e mandat après ceux de 2000-2008 et quatre ans au poste de Premier ministre. (AFP PHOTO / POOL / SERGEY PONOMAREV)

Le résultat officiel a été annoncé sur le site du vote
C’est le célèbre blogueur russe Alexeï Navalny, connu pour ses campagnes contre la corruption, qui recueille le plus de suffrages : 43.723. Il est suivi par l’écrivain et journaliste, Dimitri Bykov (38.500 votes) et par l’ancien champion d’échecs, Garry Kasparov (33.800). Viennent ensuite la présentatrice de télévision, Ksenia Sobchak, ou le chef de file du mouvement Solidarité, Ilia Yachine.

Au total trente personnes ont été élues. Elles seront rejointes par quinze autres candidats choisis par les différentes familles qui composent l’opposition (libéraux, nationalistes ou mouvements de gauche).

Une première analyse des résultats permet de tirer trois enseignements
Tout d’abord, c’est l’apparition d’une nouvelle génération politique. Ils ont entre trente et cinquante ans, viennent souvent du monde des médias ou de professions artistiques. Ils ressemblent à leurs électeurs, cette frange aisée, urbaine et ouverte sur le monde de la population russe. Il est frappant d’observer que les élus viennent à 80% de Moscou. C’est l’une des grandes faiblesses de ce mouvement.

Ensuite, tous ou presque ont actuellement des soucis avec la justice russe. Poursuivis pour des délits qui vont de la perturbation de l’ordre public ou de simples fraudes ficales jusqu’à l’organisation de crimes en lien avec des puissances étrangères, autant dire qu’ils encourent tous ─ à plus ou moins long terme ─ de solides peines de prison.

Alexeï Navalny, par exemple, est menacé par diverses procédures judiciaires et ce n’est pas cette «élection» qui va le protéger de quoi que ce soit.

Portrait d'Alexeï Navalny

[{iframe:http://api.dmcloud.net/player/embed/4e7344c194a6f677b000072a/5087bc2706361d1c41000f06?auth=1666432930-0-estxjcom-27cd15c7838c23bf83541132480619a7&w=640&h=360}]

France 2, reportage d'Alban Mikoczy, diffusé au 20h du 23 décembre 2011

Un constat: aucune visibilité à cette élection
Enfin, et c’est sans doute la leçon la plus amère de ce scrutin pour ses organisateurs, l’absence de réaction de la société russe. Evidemment, les médias officiels n’ont donné aucun écho à cette élection et le Kremlin a fait semblant d’en ignorer l’existence.

Au final, il est évident que moins d’un pour cent des Russes ont eu connaissance de ces résultats. Ce parlement «fantôme» est donc réellement invisible aux yeux de la très grande majorité de la société russe. Société conservatrice qui aspire avant tout à une chose : la stabilité. Et qui voit en Vladimir Poutine le seul garant de l’unité nationale.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.