Attentat près de Moscou : "Ça ressemble vraiment à un fiasco de plus des services secrets russes", analyse un spécialiste

"Les services secrets russes ne sont pas mobiliés au bon endroit" estime Andreï Kozovoï, professeur d'histoire russe et soviétique, après l'attaque terroriste près de Moscou.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des enquêteurs russes sur les lieux de l'attaque terroriste, le Crocus City Hall, à Krasnogorsk, près de Moscou, le 23 mars 2024. (AFP PHOTO / HANDOUT / RUSSIAN INVESTIGATIVE COMMITTEE)

La fusillade suivie d'un énorme incendie vendredi dans une salle de concert en banlieue de Moscou, qui a fait au moins 133 morts, "ressemble vraiment à un fiasco de plus des services secrets russes", juge samedi 23 mars Andreï Kozovoï, professeur d’histoire russe et soviétique à l’université de Lille et auteur de l’ouvrage Les services secrets russes : des tsars à Poutine, aux éditions Tallandier. Selon lui, les services secrets ne sont pas mobilisés au bon endroit : "On surveille la population, les opposants [...] alors que les vraies organisations terroristes échappent le plus souvent à la surveillance des autorités". Il ajoute que le contexte entre les États-Unis et la Russie explique aussi pourquoi les services secrets n'ont pas agi après l'alerte des Américains.

franceinfo : Cette attaque est-ce, selon vous, une faille des services secrets et du renseignement russe ?

Andreï Kozovoï : Ça ressemble vraiment à un fiasco de plus des services secrets russes qui pourtant ne manquent pas de moyens. Parmi les principales organisations qui sont censées lutter contre le terrorisme, il y a le FSB mais aussi, depuis 2016, une organisation qui s'appelle "Rosgvardia", la garde nationale russe, forte de près de 400 000 hommes et dont l'une des missions principales est justement de surveiller et de prévenir les attentats terroristes en Russie. Or, malgré l'avertissement des Américains, on a vu que quasiment aucune mesure n'avait été prise pour travailler dans ce sens.

Pourquoi dites-vous qu'il s'agit d'un fiasco de plus ?

Il y a des menaces terroristes qui planent sur la Russie qui sont nombreuses et récurrentes mais les forces des services secrets sont envoyées ailleurs. On surveille la population, on surveille les opposants, certains se voient étiquetés terroristes alors que les vraies organisations terroristes, elles, échappent le plus souvent à la surveillance des autorités. À la question de savoir pourquoi les services secrets n'ont pas agi après avoir été alertés par les Américains, nous avons un contexte aujourd'hui de nouvelle guerre froide en Russie avec une propagande antiaméricaine féroce dans les médias, une diabolisation des États-Unis et de leurs services secrets. Alors que, normalement, il devrait y avoir une collaboration comme c'est le cas depuis au moins 2001 entre les services russes et américains. Or, le contexte actuel que l'on connaît a considérablement entravé cette collaboration, a empoisonné les relations et a amplifié un climat de méfiance entre les services.

Si Vladimir Poutine voulait utiliser cet événement, on peut se dire qu'il a un boulevard devant lui pour accuser l'Ukraine et justifier un regain de violence ?

On avait prédit avant les élections qu'il y aurait un tour de vis. Il fallait un scénario qui se mette en place où on accuse les Ukrainiens d'être responsables de cet attentat, il fallait une mobilisation renforcée ou générale en Russie afin de nourrir un climat proche du totalitarisme en Russie, avec une machine répressive qui serait lancée à plein régime. Le temps que Vladimir Poutine a mis pour prendre la parole s'explique certainement par la nécessité de construire un discours qui soit cohérent avec l'ensemble des informations dont on a pu avoir connaissance depuis cette nuit. Il fallait que toutes les informations collent pour que Vladimir Poutine puisse prendre la parole et dire que l'Ukraine était prête à héberger ces terroristes qui avaient pris la direction de l'Ukraine.

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