Jacques Cardoze sur les scandales touchant les banques britanniques
Qu’arrive-t-il en ce moment aux banques britanniques ?
La dernière affaire en date, c’est le scandale des ventes forcées d’assurance-crédit, ce qu’on appelle ici les PPI (pour Payment Protection Insurance). Avant un jugement de la Haute Cour de Londres en avril 2012 condamnant cette pratique, les banques obligeaient leurs clients à souscrire des assurances quand ils prenaient un crédit immobilier. Problème : ces derniers ne le savaient pas. Pour sa défense, le secteur financier explique que les PIP étaient le seul moyen de se rémunérer en période de taux d’intérêt très bas.
Une association de consommateurs a flairé l’arnaque et traîné devant la justice les banques qui ont déjà dû rembourser plus de 12,3 milliards de livres aux plaignants. L’affaire est d’autant plus inquiétante que le total des remboursements ne cesse de monter et l’on ne sait pas quand cela va s’arrêter. La City a déjà embauché un millier de personnes pour traiter les dossiers. Alors qu’autrement, elle ne recrute pas.
Pour ne rien arranger, d’autres affaires éclaboussent le secteur financier. Il y a ainsi le scandale du Libor (London Interbank offered rate) : en l’occurrence la manipulation à des fins spéculatives du taux interbancaire de référence. Mais ce dossier est d’une autre nature que celui des assurances : il s’agit d’une entente technique entre professionnels, alors que les PIB constituent une arnaque aux consommateurs.
Le taux Libor: qui, quoi, où, quand, comment ?
Euronews, diffusée le 2 juillet 2012
L’accumulation des affaires ne va-t-elle pas inciter les autorités britanniques à légiférer ?
Le rapport Vickers a proposé une séparation des banques d’affaires et des banques de dépôt. Il est prévu de légiférer en ce sens en 2019. Mais très franchement, je ne vois pas les conservateurs faire du mal aux établissements financiers. Car la base de leur politique, c’est de favoriser au maximum la compétitivité et de faire en sorte que le maximum d’argent circule.
Cela explique que d’une manière générale au niveau fiscal, les grands groupes obtiennent facilement des autorités ce qu’elles souhaitent. Plus facilement en tout cas que le particulier demandant une baisse de ce qu’il doit à l’Etat ! C’est ce qu’on appelle le système d’avoiding tax (éviter l’impôt). Google, par exemple, ne paye que 3,4 millions de livres d’impôts en Grande-Bretagne, alors que cette firme y réalise 2,5 milliards de bénéfices. Ou comme l’a révélé le député conservateur Charles Elphicke, la chaîne Starbucks n’a rien versé sur près de 400 millions de chiffres d’affaires. Pour autant, il faut voir que ces pratiques n’ont rien d’illégal.
Et comment réagit l’opinion britannique ?
Evidemment, ces différentes affaires, notamment celle des PPI, ne plaisent pas à une opinion consumériste. Cela encourage un certain discours populiste et ce n’est pas un hasard si l’opposition travailliste monte dans les sondages. Mais là derrière, il n’y a pas forcément une volonté de remettre en cause le système.
Il faut voir que même l’arnaque des assurances bancaires a finalement été relativement peu médiatisée. En fait, l’opinion est ambivalente. Elle peut critiquer l’austérité et dénoncer les arnaques. Mais dans le même temps, elle ne blâme pas forcément la politique du Premier ministre David Cameron et de son ministre des Finances, George Osborne. Ceux-ci veulent à tout prix que Londres reste l’une des premières places financières mondiales et refusent qu’elle se fasse «bouffer» par Hong Kong ou Singapour. Ils sont suivis par de nombreux Britanniques qui se montrent tout à fait compréhensifs vis-à-vis du secteur financier. Lequel représente 20% du PIB du pays.
PPI: le point de vue des banquiers et d'une experte indépendante
CitywireTV, 30-6-2011 (en anglais)
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