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Pointer le rôle des réseaux sociaux dans le jihadisme, "c'est comme si on disait que le nazisme a prospéré à cause de l'imprimerie"

Wassim Nasr, spécialiste de la mouvance jihadiste et journaliste à France 24, a expliqué, lundi sur franceinfo, le rôle des réseaux sociaux dans la stratégie du groupe État islamique à la suite de l'attentat de Londres.

Article rédigé par franceinfo
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Icônes d'applications de réseaux sociaux. Image d'illustration.  (HELMUT FOHRINGER / APA-PICTUREDESK)

L'enquête se poursuit après l'attentat de Londres qui a fait 7 morts, dont un Français, et 48 blessés, samedi 3 juin. Ce type d'attentat, qualifié de "low cost" par certains spécialistes du terrorisme, montre un changement de stratégie du groupe État islamique, en demandant aux islamistes de frapper directement en Occident. "Aujourd'hui, les terroristes n'ont pas besoin d'avoir été entraînés par l'État islamique, comme le commando du 13-Novembre, pour agir en son nom", a expliqué Wassim Nasr, journaliste à France 24, spécialiste de la mouvance jihadiste, lundi 5 juin sur franceinfo. Pour ce qui est de la responsabilité des réseaux sociaux dans les attentats qui ont touché le Royaume Uni, Wassim Nasr estime que "les réseaux sociaux ne servent à rien sans la matrice, sans l'idéologie".

franceinfo : Le groupe État islamique a revendiqué l'attentat de Londres, en qualifiant les assaillants de "cellule sécuritaire". Qu'est-ce que ça veut dire ?

Wassim Nasr : Il faut changer de paradigme par rapport au terrorisme que l'Europe a connu il y a quelques décennies. Aujourd'hui, il suffit qu'un jihadiste, ou un aspirant jihadiste, ait un lien virtuel avec un membre quelconque de l'État islamique pour que le groupe émette une revendication. Quand on parle de l'État islamique, il faut essayer d'imaginer aussi que les liens ne sont pas forcément en Syrie ou en Irak. Ils peuvent être ailleurs, comme en Libye pour l'attentat de Manchester. Il y a le Yémen, l'Afghanistan, le Pakistan, l'Indonésie, et les Philippines. Aujourd'hui, les terroristes n'ont pas besoin d'avoir été entraînés par l'État islamique comme le commando du 13-Novembre pour agir en son nom.

Aujourd'hui, l'État islamique n'appelle plus les jihadistes à venir les rejoindre en Syrie, mais leur demande de frapper dans le pays où ils se trouvent ?

Il y a un changement de mode opératoire depuis 2014, d'autant qu'il est impossible, aujourd'hui, de rejoindre l'État islamique. Elle appelle donc à agir sur place. Cette dynamique existe. Elle va de pair avec des opérations islamistes plus élaborées, comme lorsqu'un groupe envoie ses propres hommes commettre un attentat sur le sol européen. Pour l'attentat de Londres, il y a eu coordination entre trois hommes pour agir. Ce n'est pas un homme qui a agi seul. Cela démontre qu'il y a eu une préparation, mais qu'elle n'est pas "professionnelle". Ils n'ont pas pu acheter des armes à feu et ils ont attaqué au couteau. Cela démontre un niveau moindre de "professionnalisme" par rapport à l'attaque de Bruxelles, par exemple.

La Première ministre Theresa May a mis en cause les réseaux sociaux. Pensez-vous qu'ils puissent avoir une responsabilité dans le terrorisme aujourd'hui ?

C'est comme si on disait que le nazisme a prospéré à cause de l'imprimerie. Les réseaux sociaux ne servent à rien sans la matrice, sans l'idéologie. Les réseaux sociaux sont un véhicule pour transmettre cette idéologie du point A au point B. Le contrôle des réseaux sociaux fait partie du problème. Ce n'est pas la source de la radicalisation. Les pays où le jihad prospère, comme au Sahel, n'ont pas de fibre optique. En Somalie, les shebabs n'ont pas internet. Internet est un véhicule, comme l'imprimerie, mais s'il n'y a rien sur à imprimer sur les tracts, l'imprimerie ne sert pas à la radicalisation, qu'elle soit anarchiste ou gauchiste à l'époque.

"Les réseaux sociaux ne servent à rien sans la matrice, sans l'idéologie", Wassim Nasr

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