Des journalistes palestiniens travaillant pour des médias occidentaux avaient-ils été mis au courant de l'attaque du Hamas ?
"Que faisaient des journalistes palestiniens si tôt un samedi matin près de la frontière ? Était-ce coordonné avec le Hamas ?". Ce sont les questions soulevées par l'association israélienne HonestReporting dans un article posté sur son site internet mercredi 8 novembre et intitulé "Frontières brisées : les photos d'AP et de Reuters des atrocités du Hamas soulèvent des questions éthiques".
Cette association créée il y a une dizaine d'années - et idéologiquement proche du gouvernement israélien actuel - cite les noms de plusieurs photojournalistes palestiniens et se demande s'ils n'étaient pas "infiltrés". Ces doutes émis par l'association sont remontés jusqu'au Premier ministre israélien. Benjamin Netanyahou a réclamé des comptes aux médias occidentaux ayant publié ces photos ou travaillé avec ces journalistes, parmi lesquels le New York Times, Associated Press et Reuters. "Ces journalistes étaient complices de crimes contre l'humanité ; leurs actes étaient contraires à l’éthique professionnelle", a réagi le bureau du Premier ministre israélien.
Rien n'indique qu'ils étaient au courant
Sait-on si ces journalistes palestiniens ont été prévenus par le Hamas de l'attaque ? On ne peut pas le savoir avec certitude, mais rien n'indique à ce jour qu'ils étaient au courant. Les images publiées par le journaliste Hassan Eslaiah sont celles qui ont été le plus partagées. Il est notamment l'auteur d'une photo sur laquelle on voit un char israélien en feu, il a aussi tourné une vidéo où il semble avancer à moto derrière des assaillants et où l'on aperçoit un bras tenant une grenade.
Franceinfo a pu éplucher le fil Telegram de ce journaliste, très actif sur cette messagerie où il est suivi par près de 600 000 personnes. Le matin du 7 octobre, Hassan Eslaiah poste un premier message à 6h41 heure locale, soit peu de temps après le début de l'attaque. Il partage alors une vidéo sur laquelle on voit des roquettes dans le ciel. Dans des explications fournies à nos confrères de Libération, Hassan Eslaiah assure que ces images ont été tournées depuis son domicile et que le bruit de ces roquettes est justement ce qui l'a alerté. Dans les deux heures qui suivent, il partage d'autres images collectées sur les réseaux sociaux et ce n'est qu'à 8h30, soit environ deux heures après le début de l'attaque, qu'il poste la première image qu'il tourne lui-même sur le terrain : celle du tank israélien en feu.
Hassan Eslaiah enchaîne ensuite les messages et vidéos : un kibboutz en feu, une vidéo où l'on entend des tirs nourris semblant venir de membres du Hamas, des images difficiles de corps de civils inertes baignant dans du sang. Quelques heures plus tard, il poste des vidéos de lui sur une moto où il décrit ce qu'il voit, notamment des assaillants qui "se trouvent dans des colonies près de la bande de Gaza". Concernant les images où il avance sur une moto et où l'on aperçoit une grenade, Hassan Eslaiah, toujours à nos confrères de Libération, explique : "Nous étions trois personnes sur la moto, l’un d’eux au milieu portait une grenade trouvée dans les zones de combat".
HonestReporting a également partagé une photo sur laquelle Hassan Eslaiah se fait embrasser sur la joue par un chef du Hamas. À ce sujet, le journaliste assure à Libération qu'il s'agit d'une "vieille photo qui circulait" et qui "était due à [son] travail de journaliste palestinien ayant accès aux dirigeants de diverses factions palestiniennes".
Reuters et AP nient catégoriquement
Les agences de presse Associated Press et Reuters réfutent totalement l'idée selon laquelle elles auraient eu connaissance de l'attaque du Hamas. Elles affirment que les images qu'elles ont reçues ont été prises une à deux heures après le début de l'attaque, ce qui correspond aux éléments visibles sur les réseaux sociaux. Toutefois, l'agence américaine AP et la chaîne américaine CNN précisent qu'elles ne travailleront plus avec Hassan Eslaiah.
De son côté, le New York Times estime que "l’accusation selon laquelle quiconque au New York Times aurait eu connaissance à l’avance des attaques du Hamas ou aurait accompagné des terroristes du Hamas lors de ces attaques est fausse et scandaleuse" et assure qu'il "n'existe aucune preuve des insinuations", rappelant qu'il est "imprudent de faire de telles allégations, mettant en danger nos journalistes sur le terrain en Israël et à Gaza".
Le site israélien HonestReporting a réagi dernièrement par la voix de son directeur executif, Gil Hoffman. Ce dernier a admis auprès d'AP que le groupe ne disposait d’aucune preuve pour étayer ses suggestions. Il s'est par ailleurs dit satisfait des explications fournies par les médias occidentaux.
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