Michel Warschawski: un prix des droits de l'Homme qui fait déjà polémique
Le Centre d'information alternative (AIC) qui vaut aujourd'hui à Michel Warschawski d'être distingué «n’a jamais mené son action dans le but de recevoir des prix», déclare Warschawski. «Mais cette reconnaissance institutionnelle prestigieuse de l’action de l’AIC est certainement la bienvenue pour mettre en évidence la nécessité d’une responsabilisation de l’Etat. C’est dans cette période critique que la France fait preuve d’une compréhension de la nécessité de mettre fin à l’occupation par Israël du territoire palestinien, conformément au droit international».
Avant même que le gouvernement n’officialise ce prix «de la République française», décerné par la commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), organisme relié au Premier ministre («institution nationale de promotion et de protection des droits de l’Homme qui assure, auprès du Gouvernement, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’Homme, du droit et de l’action humanitaire et du respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques»), le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) est parti en guerre contre le lauréat de ce prix.
Dans un texte, le créateur de l'AIC exprimait sa pensée sur la démocratie israélienne : «Israël se définit comme "Etat juif et démocratique. Cet oxymore a été depuis longtemps dénoncé par une petite minorité d’antisionistes pour qui non seulement la définition d’Israël comme "Etat Juif" faisait, par définition, de sa minorité arabe des citoyens de deuxième zone, mais vidait de son sens la notion de démocratie.»
Qui est Michel Warschawski ?
«Je suis citoyen israélien. Je me sens totalement impliqué comme citoyen, comme père, comme grand-père, dans cette société israélienne tout en étant radicalement critique non seulement de la politique menée par les différents gouvernements israéliens depuis qu’il existe, mais aussi envers la nature même de l’Etat.» C’est par ces quelques mots que Michel Warschawski définissait son identité israélienne dans une interview récente.
Michel Warschawski est né en France, à Strasbourg, en 1949. Il est parti en Israël à l’âge de 16 ans pour des études talmudiques.
Au lendemain de la guerre des Six jours (1967), qui permet à Israël d'occuper la CIsjordanie, Gaza et une partie du Golan, il devient militant dans le parti de gauche Matzpen (Organisation socialiste israélienne). Mais c’est la création de son organisation en 1984, le Centre d'information alternative, rassemblant plusieurs mouvements pacifistes israéliens et organisations palestiniennes, qui le rend célèbre comme opposant à une certaine vision d’Israël, et lui vaut aujourd'hui d'être distingué.
Une organisation destinée à promouvoir l’information
«En 1982, c’est la guerre du Liban, un immense mouvement antiguerre se met en place. Plus de 400.000 personnes descendent dans les rues de Tel-Aviv pour condamner les massacres (Sabra et Chatila, NDLR). Nos amis palestiniens nous disaient : “Nous ne comprenons pas ce qui se passe, nous ne nous attendions pas à une telle mobilisation.” Il y avait donc une demande d’intelligibilité, de faire comprendre ce qui se passe en Israël. Et parallèlement en Palestine s’est déroulé à la même époque un nouveau phénomène, à savoir l’émergence des mouvements populaires, qui deviendra plus tard la première Intifada. Il y avait une volonté dans notre centre de faire connaître la réalité de la société palestinienne aux Israéliens, aux médias israéliens, aux faiseurs d’opinions, aux militants. Et aussi d’expliquer aux Palestiniens, de leur donner des clés de compréhension des évolutions de la société israélienne», résume le vieux militant.
En 1989, il a été condamné à vingt mois de prison ferme pour «prestations de services à organisations illégales», pour avoir imprimé des tracts relatifs à l'organisation palestinienne Front populaire de libération de la Palestine (FPLP).
Michel Warshawski est aussi l’auteur de nombreux ouvrages et notamment d’un livre intitulé Sur la frontière, dans lequel il s’interroge sur les limites de l’Etat d’Israël, pays sans frontières revendiquées, changeantes selon les occupations et annexions, selon lui. Une frontière symbolique aussi entre légalité et illégalité. «La frontière implique un questionnement permanent sur ce qui “nous” définit, et qui est l’autre, celui qui se trouve au-delà de la frontière», écrit-il.
La réaction du Crif
Le président du Crif, Richard Pasquier, est loin de se féliciter de voir un Israélien mis à l’honneur en France. Michel Warschawski est selon lui «un militant pour lequel la cause prime sur la vérité». «La haine d’Israël ne devrait pas être un viatique pour les droits de l’Homme », écrit-il à propos de ce prix, dénonçant «une nouvelle particulièrement consternante et même scandaleuse».
Le président du Crif critique les idées du lauréat : «Aussi loin que nous remontons, nous trouverons une importante collection de propos particulièrement sévères et violents pour accuser Israël de toutes les vilenies, de tous les crimes».
«Michel Warschawski, figure de l’extrême gauche israélienne et inlassable pourfendeur d’Israël, se verra remettre, le 10 décembre 2012, à Paris, le prix des droits de l’Homme de la République Française (2012), par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault », affirme le président du Crif.
Interrogé, Matignon s’est montré prudent sur cette remise du prix affirmant que rien n’a encore été décidé et que, officiellement, le nom des lauréats n’est pas encore connu. A la CNCDH, même prudence. On communiquera plus tard sur les cinq lauréats dit-on, en regrettant les fuites sur l’un des lauréats de ce prix destiné à «récompenser des actions individuelles ou collectives de terrain sans considération de frontières ou de nationalité, menées en France ou à l’Etranger» sur les thèmes de «la lutte contre l'impunité» ou les «droits économiques, sociaux et développement durable».
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