Exercices de l'Otan : "C'est très important de signaler" à la Russie "que nous sommes prêts à toutes les hypothèses", explique l'ex-secrétaire général adjoint de l’Otan
"C'est très important de signaler que nous sommes prêts à toutes les hypothèses", a expliqué vendredi 19 janvier sur franceinfo Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan). Près de 90 000 soldats de l'Otan vont participer pendant plusieurs mois à un important exercice militaire organisé par l'Alliance atlantique. Le dernier grand exercice de cette ampleur date de 1988. Alors que le conflit en Ukraine s'éternise, l'Alliance atlantique cherche à envoyer "un message" à Poutine, selon lequel "toute tentation d'escalade du conflit avec l'Otan est une très mauvaise idée", explique le chercheur au sein du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR).
franceinfo : L'Otan veut impressionner la Russie ?
Camille Grand : C'est un message vis-à-vis de la Russie. Dans un contexte où la guerre est revenue en Europe avec l'Ukraine, il s'agit d'indiquer à la Russie, que toute tentation d'escalade du conflit avec l'Otan est une très mauvaise idée parce que l'Alliance atlantique a les moyens de renforcer son flanc oriental et de réagir si une attaque devait intervenir. De ce point de vue, la reprise d'exercices de grande ampleur, puisque c'est 90 000 hommes qui vont s'entraîner, est intéressante puisque c'est le plus gros exercice depuis 1988.
Il s'agit de simuler un conflit ?
C'est un exercice en "live". On simule surtout l'arrivée de renforts. C'est l'objet de cet exercice. Comment est-ce qu'on peut déployer très rapidement des dizaines de milliers d'hommes ? Une partie va traverser l'Atlantique, d'autres vont bouger à travers le continent européen. C'est très important de le faire en vrai parce que c'est là qu'on voit les frictions, les difficultés qui pourraient être rencontrées. On avait plutôt tendance, parce que c'est beaucoup moins cher, à faire des exercices un peu sur "papier" pendant les 20 ans qui ont suivi la Guerre froide.
Est-ce qu'on est aux prémices d'un conflit plus large ?
L'expérience des deux dernières années du conflit montre que la dissuasion de l'Otan fonctionne et que la Russie n'a pas cherché à élargir jusqu'ici le conflit. Mais avec ce conflit qui se prolonge, c'est vrai qu'il faut rester vigilant pour se prémunir de la tentation qui pourrait être celle de la Russie d'une forme d'escalade soit horizontale, soit verticale, de porter le conflit sur le territoire de l'Otan. Ce n'est pas l'hypothèse la plus vraisemblable, mais c'est très important de signaler que nous sommes prêts à toutes les hypothèses.
Le soutien international à l'Ukraine est de plus en plus fragile. Est-ce qu'il y a un risque avec toutes ces hésitations de perdre du temps et de perdre militairement face à Poutine ?
C'est clair qu'on perd du temps. Il y a des décisions qui auraient dû être prises il y a plusieurs semaines ou plusieurs mois déjà, qui continuent à faire l'objet de débats aussi bien à Washington qu'en Europe. Notre soutien à l'Ukraine est utile pour les Ukrainiens, il n'est pas si massif que ça, mais il fait la différence. Aujourd'hui, il y a un vrai lien entre la capacité des Ukrainiens à se défendre et le soutien apporté par les pays occidentaux.
"Tout l'enjeu de l'année qui vient est de réussir à maintenir ce soutien malgré les défis, les débats politiques ou les difficultés industrielles que peuvent rencontrer les amis de l'Ukraine."
Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’Otanà franceinfo
Le possible retour de Donald Trump, qui semble plutôt enclin à lâcher l'Ukraine, pourrait obliger Kiev à négocier avec Moscou ?
La résolution des Ukrainiens est très forte. On disait au moment de l'invasion russe que ce pays tiendrait quelques semaines. On est bientôt aux deux ans du conflit. C'est très impressionnant de voir la résolution des Ukrainiens. Ils sont cependant dépendants de l'aide apportée par les Occidentaux, pas seulement les Américains, mais aussi les Européens. Le flux d'aide s'est équilibré entre Américains et Européens. L'élection éventuelle d'un Donald Trump réticent de poursuivre cette aide va poser, surtout une grande question aux Européens, c'est-à-dire dans quelle mesure est-ce qu'ils sont prêts à prendre le relais et aider l'Ukraine.
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