Témoignage émouvant sur le drame d'une famille syrienne
Husam Hashash retient ses larmes. Un mois que ce Syrien, vivant à Athènes depuis six ans, a perdu dans l'exode syrien son frère, sa belle-sœur et ses trois neveux et nièces. Noyés en mer Egée, entre la Turquie et l'île grecque de Lesbos.
Dans le salon nu de son appartement athénien, Husam a le regard perdu. L'atelier de textile dans lequel il travaille appartenait à son frère: «Un touriste a trouvé son corps sur une plage, alors que nous le cherchions depuis plusieurs jours», raconte le trentenaire.
Crise en Grèce
Le défunt, Omar, un chef d'entreprise de 40 ans, implanté depuis 15 ans en Grèce était détenteur d'un permis de résident et employait une vingtaine de salariés.
Quand la crise économique a commencé à frapper la Grèce en 2010, il est retourné vivre en Syrie, où il a monté une autre entreprise. Son dernier enfant y est né.
Mais en Syrie, la guerre civile et l'insécurité l'ont rattrapé.
«Là aussi, il a eu des problèmes, son magasin a été volé, l'activité s'est arrêtée», raconte Husam. Il décide de rentrer en Grèce, mais entretemps, son permis de résident a expiré et ne peut pas être renouvelé en Syrie.
La famille essaie d'abord de passer la frontière terrestre avec la Turquie avec le document périmé, mais se fait refouler.
Les contrôles douaniers le long de la frontière terrestre entre la Turquie et la Grèce, une des principales portes d'entrée de l'immigration illégale dans l'Union Européenne, ont été renforcés ces dernières années à la demande des partenaires européens, qui sont aussi les principaux bailleurs de fonds du pays surendetté.
Clôture sur le fleuve Evros
Une clôture barbelée de 10 kilomètres a été construite là où le passage n'était qu'une marche à travers champs, à l'écart du fleuve frontalier Evros.
Ne reste plus alors à la famille qu'à tenter le passage par mer. Neuf personnes s'embarquent ce soir-là sur une côte turque dans un canot gonflable. Direction les côtes toutes proches de Lesbos (Mytilène).
«La dernière fois que nous avons parlé à notre frère, c'était le matin du départ», dit Husam. Il avait payé la somme due, 1.200 euros pour lui et sa famille à un passeur. «Vers minuit, il a appelé une connaissance pour dire qu'il était tout près d'arriver.» Puis plus rien.
Les neuf personnes à bord du bateau cette nuit-là ont péri.
«Une telle tragédie n'était qu'une question de temps»
«Ensuite nous avons appelé sur son portable et il ne répondait jamais. S'il avait été arrêté par la police, il aurait trouvé le moyen de dire quelque chose. Il parlait très bien grec. Mon autre frère a immédiatement compris qu'il se passait quelque chose, il est parti à Mytilène». Commence alors une macabre recherche des corps livrés par la mer. «Les passeurs (...) nous mentaient tout le temps. Ils nous ont dit qu'ils étaient à Chios, une île proche. Et pendant deux jours, lorsque mon frère a écumé les îles, les autorités ne l'aidaient pas» non plus, raconte Husam.
Husam est toujours effondré. Après avoir retrouvé les corps, il a dû faire des pieds et des mains pour qu'ils soient enterrés dans l'un des seuls cimetières musulmans de Grèce, à Komotini (nord), près de la frontière turque.
Le corps d'un des trois enfants n'a jamais été retrouvé.
«Une telle tragédie n'était qu'une question de temps» depuis le renforcement des frontières, a déploré John Dalhuisen, directeur du programme de l'ONG Amnesty International pour l'Europe et l'Asie centrale.
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