L'économie indienne rattrapée par la crise
«La perspective négative reflète les progrès limités de l'Inde en matière de consolidation budgétaire et, en particulier, sur la réduction de la dette du gouvernement central en dépit d'une amélioration de la santé financière de gouvernements locaux», a estimé Fitch le 18 juin.
En avril, une autre agence, Standard and Poor's, avait dégradé les perspectives sur la dette à long terme de l'Inde en raison de l'affaiblissement de son économie et d'un large déficit public. Le pays est en proie à une inflation tenace (+ 7,55 % en mai sur un an). Il souffre du déficit public le plus important des économies émergentes et d’une situation budgétaire fragile. Mais aussi d’un net ralentissement de sa croissance : au premier trimestre 2012, New Delhi a enregistré, avec une hausse de 5,3 %, la plus faible augmentation de son PIB en neuf ans.
Populisme ?
Dans le même temps, les observateurs reprochent aux autorités indiennes une attitude populiste : «au lieu de prendre des mesures pour relancer la production», elles «ont opté pour une politique de saupoudrage, mettant en place des programmes sociaux ponctuels». Lesquels programmes ont pour objectif de réduire la pauvreté dans un pays où 40 % des habitants vivent avec 1 dollar par mois et où la moitié des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition. Problème : la corruption plombe la mise en œuvre de ces projets qui, dans le même temps pèsent sur le déficit public et alimente l’inflation (A).
Au-delà, la baisse de la croissance et le jugement des agences de notation reflètent les forces, et surtout les faiblesses, de l’économie indienne.
«Ilots de haute productivité»
Les atouts du pays sont réels : il possède l’une des populations parmi les plus jeunes de la planète, dont les sondages montrent un grand optimisme par rapport à l’avenir (D). L’Inde possède des secteurs très bien placés dans la concurrence internationale : pharmacie, technologies de l’information, industries de service, notamment les centres d’appel pour multinationales… Pour autant, ces activités, notamment celles de service, «fonctionnent comme des îlots de haute productivité, séparés du reste de l’économie» indienne (B). Elles masquent ainsi des secteurs en situation délicate, comme ceux de l’énergie ou de l’agriculture (qui emploie 50 % de la main d’œuvre indienne).
Ces secteurs performants n’ont pas forcément besoin de licences et d’autorisations gouvernementales qui, en général, posent de nombreux problèmes aux investisseurs. Car malgré son ouverture dans les années 90, le pays reste doté d’un système juridique bureaucratique qui, dans le passé, a permis à l’Etat de réguler la diversification de la capacité de production des entreprises privées. «Ce dispositif a permis la formation d’une base économique à l’abri de la concurrence internationale» mais «il a entretenu la faible compétitivité des entreprises, non exposées à la concurrence, qu’on a empêché de faire des économies d’échelle en bridant leur stratégie d’investissement».
Bureaucratie
Les lourdeurs du système et la bureaucratie persistent. Ils perdurent d’autant plus que la coalition au pouvoir autour du Parti du Congrès est paralysée par des dissensions internes et minée par des affaires de corruption. Reconduite au pouvoir en 2009, elle entendait mener une nouvelle vague de réformes pour libéraliser l’économie. Aujourd’hui, elle n’arrive plus à prendre de décisions.
A l’automne dernier, Mahoman Singh avait ainsi prévu d’ouvrir le commerce de détail indien aux géants de la distribution mondiale comme l’américain Walmart et le français Carrefour. Mais il a dû y renoncer devant la levée de boucliers «dans un pays où le commerce de détail relève pour l'essentiel de l'économie informelle et emploie des dizaines de millions de petites gens». Dans le même temps, il a annoncé une augmentation de la fiscalité sur les entreprises étrangères.
Dans ce contexte, les investissements étrangers stagnent, voire quittent le pays. «Nous en avons assez et nos investisseurs ne sont même plus prêts à parler d’Inde», explique le responsable d’une banque américaine à Bombay (Mumbai), cité par le New York Times.
L'Inde et la Chine touchées par la crise en Europe
New York Financial Press, 20-3-2012
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