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Présidentielle russe : Poutine l'indéboulonnable

En lice pour un troisième mandat à la tête de la Russie, il pourrait être élu dès le 1er tour ce dimanche. FTVi a cherché à comprendre pourquoi il devrait s'imposer une nouvelle fois.

Article rédigé par Quentin Laurent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Vladimir Poutine est candidat à l'élection présidentielle, dimanche 4 mars, pour un troisième mandat à la tête de la Russie.  (VALERIY MELNIKOV / RIA NOVOSTI)

Qui peut battre Vladimir Poutine ? L’actuel Premier ministre et leader du parti majoritaire Russie unie brigue un troisième mandat à la tête du pays, à l'occasion de l’élection présidentielle de dimanche 4 mars. Les sondages le donnent largement favori de ce scrutin pour lequel il était crédité fin février de près de 60% d’intentions de vote dès le premier tour, relate Le Figaro.fr.

Vladimir Poutine, qui a déjà présidé la Russie de 2000 à 2008, n’avait pas pu se présenter au précédent scrutin. La constitution lui interdisait en effet d'effectuer plus de deux mandats consécutifs. Il avait donc cédé sa place à Dmitri Medvedev, tout en continuant de gérer les affaires en occupant le poste de Premier ministre.

Douze ans après son premier sacre à la tête du pays, l’ancien agent du KGB se maintient comme l’homme le plus populaire pour les Russes dans les sondages. FTVi a essayé de comprendre pourquoi et comment il continue à s’imposer.  

• La mainmise de son parti 

"Depuis qu’il est au pouvoir, Poutine a fait en sorte de verrouiller le système à son avantage", explique Tatiana Kastoueva-Jean, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Dès 2000, il en profite pour mettre en place son réseau d’influence en installant ses proches à des postes stratégiques. Cela lui a permis d’empêcher la montée d’opposants à des postes-clés. Il a aussi mis fin à l’élection des gouverneurs des régions de Russie, leur reprenant ainsi l’indépendance qu’ils avaient acquise dans les années 90.

Officiellement, le multipartisme est autorisé, mais concrètement, Russie unie garde une mainmise sur les institutions du pays. Des pratiques de bourrage d’urnes à l’avantage du parti ont également été plusieurs fois dénoncées, notamment lors des dernières élections législatives en décembre 2011. Vladimir Poutine et le pouvoir central n'en sauraient pas forcément les premiers responsables selon les chercheurs, qui pointent du doigt les gouverneurs des régions de Russie, membres du parti majoritaire. "Ils sont évalués et notés par le parti, selon des critères d'efficacité", analyse Tatiana Kastoueva-Jean. "Il est très plausible qu'ils organisent d'eux-mêmes le bourrage d'urnes, pour être bien vus par le pouvoir". 

En tout cas, s'’il est réélu dimanche, ce retour au sommet lui permettra de diriger le pays au moins jusqu'en 2018. Car en 2008, Vladimir Poutine a fait passer une révision de la constitution allongeant le mandat du président de 4 à 6 ans. Il a également fait savoir que Dmitri Medvedev le remplacerait au poste de Premier ministre

• L’homme des médias

Vladimir Poutine jouit également d’un atout non négligeable sur ses opposants : le relais des médias. Outre les chaînes de télévision publiques proches du pouvoir, l’Etat russe est aussi l’actionnaire majoritaire du géant de l’énergie Gazprom. Or, le premier exploitant de gaz au monde possède le plus important groupe de médias du pays, Gazprom-Média, qui regroupe plusieurs chaînes de télé, radios et journaux privés. Un actionnarat des plus intéressants pour le pouvoir : le 14 février par exemple, le géant Gazprom-Média a exigé la dissolution du conseil d’administration de la radio Echo de Moscou, qui avait critiqué le Premier ministre. 

De plus, depuis son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine s’est montré très offensif vis-à-vis des médias critiques à son encontre. Les organes indépendants subissent encore aujourd'hui de nombreuses pressions, comme le rapporte le Nouvelobs.com. Le même mois, un talk-show politique sur la chaîne MTV a été rayé de la grille des programmes, officiellement pour cause de mauvaises d’audience, et ce une semaine après que l'émission a été consacrée à Alexei Navalny, blogueur opposant au gouvernement Poutine.

Tatiana Kastoueva-Jean note cependant qu'internet modifie ce rapport de force. "Il y a un clivage de taille entre les médias traditionnels et internet. Le web est devenu un espace de liberté très important. La critique y est parfois très virulente à l’égard de Poutine."

• L’homme providentiel pour beaucoup de Russes 

 

Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, lors d'une conférence ministérielle à Moscou, le 28 avril 2011. (MIKHAIL METZEL / POOL)

Si Vladimir Poutine peut se targuer d’être toujours populaire en Russie, c’est qu’il entretient scrupuleusement l’image d'homme providentiel qui a participé au redressement du pays au début des années 2000.  

"Pour beaucoup de Russes, Poutine est l’homme du redémarrage économique", remarque Philippe Migault, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la Russie. "A la fin des années 90, le pays était dans une situation économique catastrophique. Bien pire que ce que connaît aujourd'hui la Grèce." Elu président en 2000, Vladimir Poutine bénéficie alors d’une conjoncture économique favorable. Et les politiques qu'il contribue à mettre en place aident le pays à retrouver le chemin de la croissance économique et à améliorer le niveau de vie des citoyens. 

Il est également respecté pour "avoir mis au pas la mafia russe" et redonné du poids à la Russie sur la scène internationale. "Il a fait de la Russie un acteur qui fait entendre sa voix au niveau international, alors que dans les années 90, elle ne comptait pas", rajoute Philippe Migault. De plus, si le pouvoir russe a été critiqué pour la violence exercée lors du conflit en Tchétchénie, "Poutine garde l’image de celui qui y a mis fin".

Et si le mois de décembre a vu apparaître plusieurs manifestations d'une ampleur inédite à la suite des législatives, ce mouvement contestataire demeure très minoritaire dans le pays. 

• Des adversaires qui ne font pas le poids

Ils sont quatre à concourir, dimanche, face à l’actuel Premier ministre. Mais aucun ne semble en mesure de se démarquer comme un concurrent dangereux ou une alternative crédible. Et Philippe Migault de résumer : "Il n’y a personne en face de Poutine."

Son premier challenger, le candidat communiste Guennadi Ziouganov est "à plus de 35 points" derrière, détaille le chercheur. "Pour la majorité des Russes, le retour à un système communiste est inenvisageable." Quant au milliardaire Mikhaïl Prokhorov, il est "trop libéral et pro-européen, ce qui n’est pas du tout populaire". Vladimir Jirinovski "nationaliste proche de l’extrême droite" est aussi peu populaire, et Sergueï Mironov, du parti Russie juste, est jugé comme un candidat "fantoche, destiné à donner un semblant de pluralité", conclut Philippe Migault.

De plus, l’opposition est fragmentée et la somme de leur réserve de voix au premier tour atteint à peine les 50% dans les sondages. "Ils font partie du paysage depuis plusieurs années, mais ne forment pas une vraie opposition", précise Tatiana Kastoueva-Jean. "Même les gens qui n’aiment pas Poutine ne voient pas pour qui d’autre ils peuvent voter." 

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