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Ultimatum de l'Italie à l'UE sur les migrants : "On ne peut pas négocier avec un revolver sur la tempe"

Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences-Po Paris, spécialiste des questions européennes juge "inacceptable" la menace italienne et dénonce des "mensonges [...] sur le manque de solidarité."

Article rédigé par franceinfo
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Des migrants attendent de pouvoir débarquer du Diciotti au port de Catane, en Sicile. (GIOVANNI ISOLINO / AFP)

La réunion entre les 12 membres de l'Union européenne à Bruxelles sur la question migratoire a tourné court vendredi 24 août. L'Italie a annoncé vouloir réduire sa contribution à l'Union européenne si aucune solution n'est trouvée au sujet de la répartition des migrants.

La menace italienne est "inacceptable" et plus largement la politique du pays sur les migrants est "irresponsable", a jugé samedi sur franceinfo Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences-Po Paris, spécialiste des questions européennes, et auteur de L'Europe a-t-elle un avenir ? paru en 2017 chez Studyrama. Il a dénoncé les "mensonges auxquels se livre l'Italie sur le manque de solidarité" dans l'Union européenne. "Les États essayent de trouver des solutions au sujet de l'accueil des migrants mais on ne peut pas négocier avec un revolver sur la tempe".

franceinfo : L'attitude du ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini est-elle une posture à durée limitée ou peut-elle réellement fragiliser l'Europe ?

Patrick Martin-Genier : La Commission européenne, le Conseil européen, les chefs d'État et de gouvernement ne disent rien car ils sont tétanisés par l'attitude qu'il faut qualifier d'inadmissible de Matteo Salvini. Cette menace sur l'Europe est une décision inacceptable, ce n'est pas digne d'un pays qui est fondateur de l'Union européenne. Cet ultimatum est d'autant plus inacceptable que l'Italie viole l'ensemble des règles internationales, la Convention de Genève sur les réfugiés, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et également du Code pénal italien et la Constitution italienne. Monsieur Salvini fait de la politique sur le dos des migrants et de leur souffrance.

La contribution de l'Italie au budget de l'Union européenne était de l'ordre de 14 milliards d'euros en 2016, mais l'Italie bénéficie aussi d'aides européennes pour 10 à 11 milliards d'euros. Le pays peut-il réellement s'en passer ?

Non, elle ne peut pas se passer de ces aides. Regardez ce qui s'est passé à Gênes, on sait que l'Union européenne finance les infrastructures, les routes... Lors de la dernière mandature, c'est environ 8 milliards qui ont été versés. L'Italie va avoir besoin de l'Union européenne pour reconstruire le pont Morandi, donc elle bénéficie largement de la solidarité financière de l'Union européenne. Ces mensonges auxquels se livre l'Italie sur le manque de solidarité sont extraordinaires. C'est un combat qui est perdu d'avance. Si en 2019, l'Italie met sa menace à exécution de retirer environ 20 milliards au budget de l'Union, elle se mettrait elle même en dehors de l'UE et encourrait des sanctions. Ces actions du gouvernement italien sont illégales et l'Europe devra réagir à un moment et dire que ça suffit. Les États essayent de trouver des solutions au sujet de l'accueil des migrants mais on ne peut pas négocier avec un revolver sur la tempe et sous les menaces permanentes du gouvernement italien.

L'Italie risque aussi une condamnation internationale en refusant d'accueillir les 150 migrants qui se trouvent toujours à bord du Diciotti dans le port de Catane en Sicile ?

Oui, c'est clairement une violation de la convention de Genève sur les réfugiés. On est face à 150 migrants dans une situation sanitaire dangereuse. Ils devraient être débarqués et leur demande d'asile instruite ensuite. On peut dire aujourd'hui que Matteo Salvini encourt des procédures judiciaires pour cette politique tout à fait irresponsable.

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