Cet article date de plus d'un an.

Traversées clandestines de migrants dans la Manche : "Le pouvoir britannique ne veut pas y mettre un terme car il veut en tirer un profit politique", dénoncent des associations

Alors qu'Emmanuel Macron rencontre Rishi Sunak vendredi 10 mars à Paris, Nazek Ramadan, directrice de l'association La voix des Migrants, estime ainsi qu'il faut prendre en compte la "demande d'asile" des migrants.
Article rédigé par Richard Place
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des migrants secourus après avoir traversé la Manche le 24 novembre 2021. (BEN STANSALL / AFP)

Ciel gris, du vent et une mer agitée : ce jour-là sur la côte Sud Est de l’Angleterre, tout le monde sait que l’on ne verra pas débarquer les "small boats", ces embarcations surchargées d’exilés. Dès que l’horizon est dégagé et le temps clair, ce sont parfois des dizaines de bateaux qui tentent leur chance en quelques heures, souvent la nuit. Prenant d’incroyables risques. Près de 46 000 personnes ont traversé la Manche illégalement en 2022.

>> Naufrage mortel de migrants dans la Manche : "Ce qu’on redoutait le plus est arrivé", regrette un membre du centre de secours

Ces traversées périlleuses des côtes du Pas-de-Calais jusqu’aux rives Sud de l’Angleterre représenteront l’un des principaux sujets de discussion entre Emmanuel Macron et le Premier ministre Rishi Sunak, vendredi 10 mars à Paris, à l'occasion du 36e Sommet franco-britannique. Ils veulent mettre un terme à ces voyages clandestins et dangereux.

Côté britannique, les organisations humanitaires doutent de la réelle volonté des deux dirigeants. Installé à Brighton, Stephen Silverwood a fondé Refugee Radio pour aider ces nouveaux arrivants. Celui qui milite depuis plus de 20 ans confie ne rien attendre rien du sommet du jour, il ne croit pas en l’aide de la France. "Des gens ont vécu dans des camps autour de Calais et Dunkerque depuis des années, pointe-t-il. Plutôt que de les encadrer correctement, les autorités françaises ne font que détruire leurs tentes. Ce qu’ils auraient dû faire, c’est appliquer leurs propres lois. Que ces gens demandent l’asile ou qu’ils les expulsent. Légalement, ils ne peuvent pas juste dire : ils veulent venir en Angleterre donc c’est le problème de l’Angleterre", plaide Stephen Silverwood.

Rishi Sunak "veut expulser" les migrants pour gagner des voix

Nazek Ramadan, la directrice de La voix des Migrants, ne partage pas cet avis. Elle estime que "c’est un problème que le Royaume-Uni doit régler. On ne peut pas continuer de blâmer la France pour ça." Le projet de loi britannique présenté cette semaine ne vise pas à régler le problème de l’immigration illégale selon Nazek Ramadan. "Le Premier ministre veut expulser et bannir ces gens-là, uniquement pour gagner des voix aux prochaines élections, assure cette responsable. Pourquoi ne pas avoir un centre de traitement à Calais ? Voilà ce qui serait juste. Plein de pays européens disposent de ce type d’infrastructure. Pas le Royaume-Uni. Alors vous n’avez pas de solution. Accueillir les gens dans ce genre d’endroit, écouter leur demande d’asile et prendre votre décision. Ce serait équitable."

>> DOCUMENT FRANCEINFO. "T'entends pas, tu seras pas sauvé !" : l'enquête sur le naufrage mortel de migrants dans la Manche accable les secours français

C'est un argument que reprend Paul O’Connor du syndicat de fonctionnaires PCS qui compte des agents aux frontières parmi ses membres. "Le pouvoir britannique ne veut pas mettre un terme à ces traversées clandestines, affirme-t-il. Parce qu’il veut en tirer un profit politique, électoral. Le Royaume-Uni dispose d’ambassades et de représentations consulaires partout dans le monde. Pourquoi ne pas mettre en place des processus de demandes d’asiles via ces structures ? Nous éviterions ainsi d’alimenter les trafics humains. Le cadre existe déjà. Ce ne serait pas compliqué pour le gouvernement de s’asseoir à une table et de négocier avec nous."

"Dès lors que les gens arrivent ici, il est de notre devoir de nous en occuper, de traiter leur demande d’asile, renchérit Nazek Ramadan. Tous les pays européens sont concernés bien sûr. Personne n’empêchera les migrations, surtout quand on fuit la guerre ou la famine. Depuis des années, l’Europe tente de se barricader, ça ne marche pas ! Ce n’est pas non plus en versant de l’argent à des régimes autoritaires comme la Libye, pour qu’ils gardent ces populations, que l’on y arrivera. Il faut mettre en place des systèmes plus pratiques, plus humains et plus conciliants."

L’électorat de droite séduit par le Brexit espérait notamment en finir avec cette immigration incontrôlée. Le Royaume-Uni est sorti de l’Europe depuis deux ans et il n’y a jamais eu autant de bateaux clandestins dans la Manche. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.