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Témoignage "Il y a de plus en plus des prisonniers arrêtés pour leurs opinions", dénonce une militante pour les droits des détenus qui a fui la Russie pour la France

Anna Karetnikova était défenseure des droits des prisonniers dans les prisons russes. Même si son poste était tout à fait légal en Russie et reconnu par l'administration pénitentiaire, cette femme, également membre de l'ONG Mémorial, a pourtant dû fuir vers l'Europe. franceinfo l'a rencontrée à son arrivée en France à Strasbourg.
Article rédigé par Antoine Balandra
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Un piéton à Moscou passe devant une peinture murale représentant un général russe et un cadet avec le slogan : "Défendre la patrie", le 17 janvier 2023. Photo d'illustration. (YURI KADOBNOV / AFP)

C'est un témoignage rare en pleine guerre en Ukraine. Celui d'une Russe, qui a fui il y a quelques jours seulement son pays. À Moscou, Anna Karetnikova, avait un métier très sensible. Il y a encore quelques jours, elle luttait au sien des prisons russes pour garantir les droits des détenus, leur procurer assez des médicaments ou lutter contre les cellules surpeuplées. Elle travaillait donc très officiellement pour l'administration pénitentiaire russe.

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Mais, un jour, ses supérieurs lui ont fait comprendre que son activité gênait. "J'ai été obligée de quitter la Russie parce que mes fonctions ont commencé, comment dire, à embêter le service fédéral de l'administration pénitentiaire, raconte Anna Karetnikova. Alors ils m'ont promis plein de choses désagréables que je ne vais pas préciser, mais ils m'ont prévenu. Ensuite, le FSB a commencé à m'interroger. Le jour suivant, ils m'ont suspendu."

"Ce n'est plus du tout le même pays"

Avant de devoir quitter précipitamment son poste, et depuis le début de la guerre en Ukraine, Anna Karetnikova explique avoir rapidement vu les prisons de son secteur se remplir. "En ce qui concerne les prisonniers arrêtés pour leurs opinions, il y en a de plus en plus, indique Anna Karetnikova. Il y en a beaucoup que je ne connaissais même pas."

"Nous entrions dans la cellule, et nous voyions des prisonniers politiques qui étaient là parce qu'ils avaient écrit quelque chose sur Internet, quelqu’un a dit quelque chose quelque part, un jeune homme a brûlé sa voiture en signe de protestation contre la guerre. Je ne savais même pas tout cela avant de rencontrer ces gens."

Anna Karetnikova, défenseure des droits des prisonniers russe

à franceinfo

Aujourd'hui, Anna Karetnikova explique ne plus reconnaître la Russie : "Bien sûr, ce n'est plus du tout le même pays qu'il y a encore quelques années. Même s'il en prenait le chemin, on ne pouvait pas s'attendre à la guerre surtout. Ce qu'il se passe maintenant, on ne l'a pas vu venir."

"Certains habitent le monde de la propagande"

Signe d'une tension toujours plus forte, même entre collègues, au sein de l'administration, il était devenu dit-elle difficile d'évoquer la guerre en Ukraine. "Certains ont peur de parler, d'autres sont pour la guerre, décrit-elle. Certains habitent carrément dans le monde de la propagande. Je leur ai demandé :
- Mais par qui la Russie a-t-elle été attaquée ?
- 'Ben eux', m'ont-ils répondu.
- C'est qui 'eux' ?
- Ben le monde entier..."

En revanche, Anna Karetnikova l'assure : elle n'a jamais été témoin de tortures dans les prisons russes où elle travaillait.

Le témoignage d'une militante pour les droits des détenus qui a fui la Russie pour la France - Antoine Balandra

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