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Guerre en Ukraine : des documents découverts dans une ancienne base révèlent les difficultés et les lacunes des troupes russes

L'agence Reuters a analysé ces fichiers trouvés dans un centre automobile de Balakliïa, ville libérée début septembre par les forces ukrainiennes. Le commandement local russe y fait état de multiples dysfonctionnements pendant l'été.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un monument en hommage au poète Taras Chevtchenko dans le centre de Balakliïa (Ukraine),le 8 septembre 2022. (VIRGINIE NGUYEN HOANG / HANS LUCAS / AFP)

Les troupes russes qui occupaient Balakliïa depuis mars, dans l'est de l'Ukraine, avaient établi leur quartier général dans un centre de réparation automobile. La ville a été libérée par les forces ukrainiennes début septembre. Après le départ de l'occupant, des milliers de pages de documents ont été découverts au sous-sol du bâtiment, aujourd'hui en ruines, a révélé l'agence de presse Reuters (article en anglais), mercredi 26 octobre. Leur lecture révèle la situation délicate dans laquelle se trouvait l'armée russe, pendant la contre-offensive éclair ukrainienne dans la région.

Pour les forces russes de Balakliïa, les choses se sont compliquées le 19 juillet, quand une colonne de soldats ukrainiens a attaqué le village de Hrakove, près de leur base. Elles n'ont obtenu la retraite de leurs adversaire que grâce au renfort d'hélicoptères de combat, mais au prix de lourdes pertes : 7 morts, 39 blessés et 17 disparus, selon le rapport consulté par Reuters. Plusieurs soldats russes ont nécessité un traitement pour "réaction aiguë au stress", selon un dossier médical retrouvé sur place.

De lourdes pertes pendant le mois d'août

Le secteur a été régulièrement ciblé par des systèmes multiroquettes Himars, fournis à l'Ukraine par les Etats-Unis, qui ont joué un rôle important dans la contre-offensive ukrainienne. Entre la fin juillet et la fin août, les troupes russes ont perdu trois de leurs cinq drones militaires, cinq de leurs huit véhicules blindés et 18 de leurs 24 armements antichars. "Il n'y avait pas de fournitures de munitions ou de drones", a commenté un officier russe retrouvé par Reuters.

Dans un point de situation quotidien, fin juillet, un officier russe avait ainsi réclamé des drones Quadcopter, disponibles sur internet ou en boutique. Trois d'entre eux étaient arrivés le lendemain, mais sans le logiciel nécessaire à leur emploi. Les forces ukrainiennes, de leur côté, bénéficiaient d'une faille, puisque deux des trois dispositifs de brouillage russes étaient hors service, selon la section en charge de la guerre électronique de Balakliïa.

Des civils battus lors d'interrogatoires

A la fin du mois d'août, et malgré le recrutement de troupes, les effectifs locaux côté russe plafonnaient à un peu plus de 70% des capacités prévues, selon une feuille de calcul consultée par Reuters. Par ailleurs, deux unités tournaient avec seulement environ 20% de leurs effectifs, en raison des pertes au combat et des désertions. Une note manuscrite évoque notamment le cas d'un soldat qui s'est tiré dans la main pour échapper aux combats.

Dans la ville, le maintien de l'ordre était notamment confié aux miliciens du territoire de Louhansk, moins bien dotés et payés. L'un des combattants séparatistes a été blessé aux doigts lors d'un accident avec son fusil Mosin, une arme obsolète qui n'est plus produite depuis longtemps. Par ailleurs, les sergents issus des forces séparatistes recevaient chaque mois environ 91 000 roubles (environ 1 500 euros), selon un document comptable découvert dans le bunker, contre 202 000 roubles (environ 3 300 euros) pour leurs homologues russes.

Le colonel Ivan Popov, du 11e corps de la Baltique, commandait les forces russes dans le secteur, écrit Reuters, et la base abritait un centre de détention. Mais un commandant était également chargé de surveiller la population locale. Il est accusé d'avoir supervisé lui-même plusieurs interrogatoires de civils dans le commissariat de la ville. Ceux-ci étaient battus et torturés avec des chocs électriques, selon les témoignages d'anciens prisonniers recueillis par Reuters.

Une base minée avant d'être abandonnée 

Le 6 septembre, la base a été la cible de frappes ukrainiennes, qui ont tué des dizaines de soldats russes. Deux jours plus tard, les survivants ont finalement quitté les lieux "dans le chaos", selon des habitants interrogés par Reuters. Une partie des documents ont été incendiés lors de ce départ précipité, certains dans un four. Les véhicules stationnés dans un hangar, eux aussi, sont partis en fumée.

Peu après la libération de Balakliïa, une équipe de France Télévisions était parvenue à se rendre dans la ville, en empruntant des chemins de traverse. Elle avait constaté "énormément de chars éventrés, mais aussi des munitions abandonnées sur place par les Russes". La ville était presque déserte, et en partie détruite. La base russe, quant à elle, a dû être déminée par les forces ukrainiennes. Conscients d'être en position précaire, sur cette ligne de front, ses anciens occupants avaient truffé l'endroit d'explosifs.

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