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Le Pen et "l'invasion migratoire" : histoire d'une intox

"Cette immigration massive risque de produire un véritable remplacement des populations", a prédit Jean-Marie Le Pen, lors d'un meeting mardi soir à Marseille. Une déclaration qui a suscité un tollé dans la classe politique - et qui est battue en brèche par les diverses statistiques.
Article rédigé par Guillaume Gaven
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (Jean-Marie Le Pen, mardi soir à Marseille © Maxppp)

C'est une prédiction qui, de prime abord, a fait moins de bruit que son "Monseigneur Ebola peut régler ça en trois mois" : à propos de ce qu'il appelle "l'explosion démographique dans le monde" , Jean-Marie Le Pen a eu cette formule... qui, donc, a suscité un tollé. Des propos "dénaturés" , a tenté par la suite de relativiser sa fille Marine - son futur allié au Parlement européen, le néerlandais Geert Wilders, avait, lui, jugé ces propos "ridicules" ...

Mardi soir à Marseille, Jean-Marie Le Pen a tenu meeting au Palais de l'Europe du Parc Chanot. Face à 1.500 personnes, le président d'honneur du Front national a également craint publiquement un "remplacement des populations" françaises par des immigrés. "Dans notre pays et dans toute l'Europe, nous avons connu un phénomène cataclysmique : l'invasion migratoire dont nous ne connaissons, mes chers amis, aujourd'hui que le début du commencement. Cette immigration massive risque de produire un véritable remplacement des populations si nous n'arrivons pas assez tôt au pouvoir pour mettre un terme à la politique de décadence menée depuis des décennies" .

Une thèse qui date de 2010

C'est ce qu'on appelle la thèse du "Grand remplacement", portée depuis 2010 par l'écrivain Renaud Camus - qui mène d'ailleurs une liste "antiremplaciste" aux européennes, dans le Sud-Ouest. Cette thèse se décline en trois points : les noirs et les arabes vont remplacer les Français "de souche" ; ils sapent la "civilisation" française ; il suffit d'ouvrir les yeux pour s'en rendre compte, mais les élites nient cette réalité. La théorie fait florès sur Internet : on y compare les taux de natalité en Europe et en Afrique, on y diffuse des photos de femmes voilées dans le RER ou à des arrêts de bus.

Cette thèse, selon Jean-Yves Camus, chercheur spécialiste de l'extrême droite, consiste à dire "qu'une partie de la population française n'est pas vraiment française. Ce serait des Français de papier" .

L'immigration, 0,4% de la population

Qu'en est-il réellement ? L'immigration est une réalité, analyse Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l'OCDE - qui dispose de statistiques assez précises. On le sait, dans les années 60-70, il y a eu une forte immigration de travail. "Mais en terme de flux récents d'immigration, on est parmi les pays occidentaux où les niveaus sont les plus bas" : moins de 250.000 entrées permanentes en 2012, dont 100.000 Européens ; le nombre d'immigrés qui s'installent durablement en France représente moins de 0,4% de la population totale, contre une moyenne de 0,6% dans l'OCDE.

Pour lui, la présence de minorités visibles "n'a rien à voir avec la politique migratoire actuelle, l'Europe ou la mondialisation" ; elle découle des politiques menées jusqu'au choc pétrolier de 1974, pour attirer de la main d'oeuvre étrangère.

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