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Italie : "Politiquement, Berlusconi n'est pas mort"

Ejecté du Sénat par ses pairs, Silvio Berlusconi n'a pas perdu son influence sur la vie politique en Italie. L'analyse de Gianfranco Borelli, professeur à l'université de Naples.

Article rédigé par Hervé Brusini - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Silvio Berlusconi lors d'un discours devant sa résidence privée, à Rome (Italie), le 27 novembre 2013. (TIZIANA FABI / AFP)

Gianfranco Borelli est un spécialiste italien de l'histoire des idées politiques. Professeur de philosophie à l'université Federico-II de Naples, il travaille depuis des années, avec des confrères français, sur Machiavel comme sur Michel Foucault. Pour francetv info, il analyse les conséquences de la destitution de Silvio Berlusconi, exclu du Sénat par ses pairs jeudi 28 novembre.  

Francetv info : Berlusconi est-il fini ?

Gianfranco Borelli : Politiquement, Berlusconi n’est pas mort. Certes, le vote du Sénat fait tomber son immunité parlementaire. Il a été condamné à de la prison et surtout à deux ans d’interdiction d’exercer un mandat public. Berlusconi est donc exposé judiciairement. Mais dans la vie publique, il n’en est rien. Au contraire, presque. Il est reparti en campagne électorale, et la petite manifestation qu’il a organisée mardi devant chez lui n’est qu’un début.

Ce qui est notable, c’est la réorganisation de la droite en deux pôles. D’un côté, Forza Italia avec Berlusconi, un parti qu’on pourrait qualifier d’extrémiste dans la mesure où l’autre camp de droite se déclare "modéré". Son nom officiel est le Nouveau centre droit. Il vient apporter une petite dizaine de voix au gouvernement actuel qui, jusqu’ici, n'était pas assuré d'une majorité au Sénat. On voit donc bien que la droite, avec Berlusconi qui reste dans le jeu, tient entre ses mains l’équilibre politique du pays. De plus, des sondages récents lui assurent un excellent niveau de popularité, supérieur à celui de la gauche.

La classe politique italienne semble pourtant vivre un renouvellement profond...

Certes, et de ce point de vue, l'apparition de Matteo Renzi, le maire de Florence, peut jouer un rôle décisif. Membre du Parti démocrate, il a remporté la première manche des primaires pour la tête du parti et est en passe de devenir le nouveau secrétaire général de cette composante essentielle de la droite. D’ores et déjà, il a dit à l’actuel chef du gouvernement, Enrico Letta, qu’il devrait lui obéir sur les textes législatifs les plus importants comme la loi électorale ou celle qui doit stabiliser notre économie plus que défaillante. Avec l’arrivée de ce type de personnage, c’est toute la vieille génération des D'Alema, Veltroni et autres qui est sur le point de céder la place. Mais Berlusconi reste à la manœuvre.

Ce qui me semble encore plus important à souligner, c’est la mise en échec de la politique institutionnelle. Renzi est pour l’instant hors du Parlement, et pourtant il agit déjà sur le gouvernement. Berlusconi vient d’être poussé dehors lui aussi, et pourtant il prétend dicter sa loi. Par ailleurs, l’un des leaders populistes Beppe Grillo est également à l’extérieur, mais grâce à ses troupes, il influence la conduite du pays. Donc, les représentants élus du peuple ne jouent plus vraiment leur rôle. Le combat politique se livre dans la rue. Voilà qui est très inquiétant pour l’avenir.

Le pays ressent-il toujours la crise ?

Plus que jamais. 40% de notre jeunesse est au chômage, et 13% de l’ensemble de la population. Face à cette crise sociale et économique, les plans des politiques apparaissent très faibles. Ajoutez à cette situation, une morcellisation des partis et l’influence grandissante de responsables extérieurs à la politique institutionnelle, et vous aurez une idée de ce qui nous vivons.

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