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La démographie, talon d'Achille de l'Allemagne

Si l’on en croit les chiffres officiels, la population allemande, aujourd’hui forte de 82,2 millions d’habitants, pourrait tomber vers 2060 à quelque 60 millions de personnes. Un phénomène qui s’explique par la baisse de la natalité et le vieillissement, de moins en moins compensés par l’immigration. Les répercussions économiques pourraient être dramatiques pour l’économie du pays.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Nouveaux nés à la maternité d'Iserlohn (Rhénanie du Nord-Westphalie) (AFP - DPA - Klaus Rose)

D’ici quelques décennies, l’Allemagne, aujourd’hui pays le plus peuplé d’Europe, va-t-elle être dépassée par la Grande-Bretagne et la France ? Les chiffres sont implacables : notre voisin d’Outre-Rhin affiche désormais la population la plus âgée du Vieux continent. Le pays compte déjà 2,3 millions de personnes dépendantes de plus de 75 ans. Un chiffre qui pourrait passer à 3,4 millions d’ici une vingtaine d’années.

Depuis le début des années 70, il n’y a plus de renouvellement des générations. Le taux de naissances en Allemagne est le plus bas du monde: huit bébés pour 1000 habitants. On compte 1,36 enfant en moyenne (chiffre 2009) par femme en âge de procréer (2,01 en France), alors que le taux de remplacement (en clair celui qui permet l’augmentation de la population) est de 2,1.

Jusqu’en 2002, l’immigration a permis de ralentir l’évolution, d’autant que les nouveaux arrivants étaient jeunes (31,7 ans de moyenne d’âge). Mais l’arrivée d’étrangers s’est ralentie. A tel point que pour la première fois en 2008, on a compté plus d’émigrants que d’immigrants. En 2010, 798.000 personnes se sont installées Outre-Rhin, 671.000 sont parties.

«Enfants, cuisine, Eglise»
Les conséquences économiques du phénomène sont potentiellement dramatiques. Aux dires de maints économistes, l’évolution démographique est l’une des plus graves menaces pesant sur l’économie allemande, la première en Europe. Actuellement, la population active baisse de 100.000 personnes par an. En 2025, un quart des personnes en âge de travailler pourrait avoir plus de 55 ans (contre 15% aujourd’hui). Tandis que le nombre de jeunes quittant les bancs de l’école baisserait d’un tiers.

Dans un club pour seniors à Berlin (13-7-2012) (AFP - DAVID GANNON )
 
L’impact de cette évolution se fait déjà sentir. D’ores et déjà, les entreprises se battent pour embaucher les jeunes diplômés. Tandis qu’à cause de la crise dans la zone euro, l’Allemagne est devenue un eldorado pour les Européens frappés par la crise, notamment les Espagnols et les Grecs. Il faut dire que la santé de son économie la propulse vers des sommets, alors que le taux de chômage (6,6% en 2011) a atteint son plus bas niveau depuis 1990.

Les performances économiques ne seraient-elles pas l’arbre qui cache la forêt ? Presque au sens propre du terme… Notamment dans les zones rurales. Dans certains endroits, «le loup est de retour, la nature reprend ses droits et l’on ne trouve plus que des personnes âgées», explique Harald Wilkoszewski, spécialiste à Population Europe, réseau de centre de recherches démographiques. Lequel précise que ce sont surtout les régions de l’ex-Allemagne de l’Est qui sont touchées par le vieillissement. Selon les chiffres officiels, la population du Land de Thuringe (ex-RDA) pourrait baisser de 40% d’ici 2060…

Reste à tenter de cerner les raisons de cette situation. Elles sont évidemment multiples et complexes. Est ainsi évoquée la pénurie des modes de garde, bien réelle, surtout quand on compare la situation avec la France. Autre explication, culturelle, celle-là : la «stigmatisation» des femmes qui travaillent, liée à la tradition du fameux «3 K» («Kinder, Küche, Kirche», pour «enfants, cuisine, Eglise»). «Une femme bien intégrée sur le marché du travail est mal perçue dès lors qu’elle n’abandonne pas sa carrière pour se consacrer à ses enfants».

Un phénomène irréversible ?
Dans le même temps, apparemment, «le fait que la population se réduise n’est pas encore un problème majeur dans l’opinion allemande», observe Michaela Kreyenfeld, de l'Institut Max-Planck en recherche démographique. De leur côté, les pouvoirs publics ont commencé à réagir. Pour lutter contre le vieillissement, ils ont ainsi décidé de porter l’âge de la retraite à 67 ans.

Le problème démographique de l'Allemagne


France 24, 18 janvier 2008

Mais «l'idée d'une politique pro-nataliste est nouvelle en Allemagne», au contraire de ce qui se passe en France. «Le gouvernement n'est devenu actif sur ce sujet que dans les dernières années, notamment avec la mise en place de l'allocation parentale», précise la démographe. Il a aussi proposé la création de 750.000 places de crèches. Sauf que celles-ci doivent être construites… par les collectivités locales, malmenées par la crise. De plus, «ces lieux d’accueil manquent souvent de personnel formé et nombre de couples allemands restent réticents à l’idée d’envoyer leurs enfants dans une structure collective avant l’âge de six ans».

Pour tenter de trouver de nouvelles solutions, les autorités fédérales ont organisé le 4 octobre 2012 un sommet de la démographie, qui s’est tenu en présence de la chancelière Angela Merkel. La montagne semble avoir accouché d’une souris : les participants ont décidé la mise en place de sept groupes de travail thématiques qui rendront leurs travaux lors d’un autre sommet prévu en 2013.

Pour l’économiste Eckart Bomsdorf, de l’université de Cologne, le phénomène est quasiment irréversible : à l’écouter, on ne pourrait rien faire pour inverser la tendance. «Les effets du recul de la population sont renforcées par un taux de fertilité resté à un bas niveau depuis longtemps. De plus, les mères potentielles font actuellement déjà partie d’une génération où le nombre de naissances était déjà faible», explique-t-il. Le cercle est d’autant plus vicieux que ces femmes, de moins en moins nombreuses, fondent des familles de plus en plus petites. Pour autant, la démographie est une discipline très complexe. Et rien ne dit que des évènements non prévus ne vont pas modifier le cours des choses, venant ainsi troubler les prévisions des spécialistes…

 

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Reportage France 2, Arnaud Boutet et Thomas Hennequel diffusé le 15 octobre 2012

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