Vidéo "L'impression d'être sur une autre planète" : l'explorateur Matthieu Tordeur raconte son incroyable expédition en Antarctique
Matthieu Tordeur est le premier Français et le plus jeune explorateur au monde à avoir relié la côte terrestre de l'Antarctique au pôle Sud, en solitaire, sans assistance et sans ravitaillement. Pour franceinfo, il revient sur cette aventure hors norme.
Il l'a fait ! Matthieu Tordeur, le plus jeune membre de la Société des explorateurs français, a relié la côte terrestre de l'Antarctique jusqu'au pôle Sud en cinquante et un jours, en autonomie totale et sans assistance technique. Le 13 janvier à 12h15 (heure chilienne), il est devenu le premier Français et le plus jeune explorateur au monde (27 ans) à avoir réalisé cet exploit.
Quelques jours avant son départ en novembre 2018, le jeune aventurier avait confié à franceinfo qu'il espérait "ne pas devenir fou", lui qui s'apprêtait à passer "seul tout ce temps dans un des déserts les plus hostiles de la planète". Il a reçu franceinfo chez lui fin janvier, quelques jours après son retour en France.
Des moments extraordinaires
Durant ces plus de sept semaines, Matthieu Tordeur a eu comme seul décor un paysage blanc et monotone. Le vent l'a accompagné la majeure partie de son périple, compliquant ainsi son avancée. Il a également dû faire face à un brouillard très épais, appelé whiteout.
Quand on se retourne on voit du blanc, quand on regarde en haut on voit du blanc, quand on regarde ses pieds on voit du blanc, le ciel se confond vraiment avec la neige. J'ai eu la sensation d'évoluer dans une balle de ping pong ou d'avoir une taie d'oreiller sur la tête.
Matthieu Tordeurà franceinfo
Autre difficulté, cette fois venue du sol : les sastrugi. Ces vagues de neige glacée sculptées par le vent polaire. Plus ou moins hautes et espacées, elles ont considérablement ralenti la progression du skieur. "Ça, cumulé au whiteout, c'était des conditions qui n'étaient pas évidentes. Il fallait continuer à bien se concentrer, baisser la tête, regarder la boussole pour s'orienter quand c'était du whiteout et puis essayer de contourner quand c'étaient des sastrugi."
Pourtant, l'explorateur dit avoir vécu des moments d'une beauté rare comme la réplication du soleil en deux points parallèles, à droite et à gauche de l'astre. Ce phénomène, le parhélie, est possible quand le ciel est chargé de cristaux de glace et que les rayons du soleil s'y reflètent, formant un halo lumineux. "Ça crée plusieurs soleils et on a l'impression d'être sur une autre planète, c'est vraiment magnifique."
Galères au milieu du désert
Cette traversée fut aussi synonyme de manques. Pas une seule nuit en cinquante et un jours. Aucun bruit, aucune odeur ne sont venus chatouiller les oreilles ou le nez du jeune explorateur. Après une quinzaine de jours, les arbres et leurs feuilles ont commencé à lui manquer, comme s'asseoir dans un fauteuil lui qui a vécu toute l'aventure accroupi dans une tente ou debout sur des skis. Quelques galères ont également émaillé son parcours.
J'ai cassé une boussole pendant l'expédition, j'ai perdu une cuillère qui me servait à manger pendant mes déjeuners, j'ai cassé mes deux paires d'écouteurs et puis j'ai surtout oublié un câble pour recharger mon téléphone satellite.
Matthieu Tordeurà franceinfo
Des limites repoussées... et au bout la victoire
Au milieu de tout ce blanc, Matthieu Tordeur a repoussé ses limites tant physiques que mentales. "C'est tellement monotone et on est tellement tout seul qu'il faut occuper son cerveau pour éviter tout simplement de s'arrêter. C'est difficile. Il faut vraiment cultiver cette ressource intérieure, cette vie intérieure, pour continuer à skier tous les jours, douze heures par jour." Pour ne pas craquer, le sportif de l'extrême a mis en place "une routine très cadrée et très millimétrée" : un réveil à 6 heures tous les matins, une fin de journée à 19h30, une pause déjeuner de trente minutes maximum et une pause de 5 minutes, pas plus, toutes les heures passées à skier.
Et au bout de ce calvaire, la victoire. Dimanche 13 janvier, à 12h15 (heure chilienne), Matthieu Tordeur atteint le pôle Sud.
C'était un grand mix d'émotions, un grand tourbillon. D'une part il y avait de la joie, de la fierté. Mais aussi un petit mélange de nostalgie, de tristesse parce que c'était aussi l'aboutissement d'un long projet.
Matthieu Tordeurà franceinfo
Mais pas de temps mort pour ce boulimique de l'aventure. Il travaille actuellement sur un documentaire pour la télévision qui sortira cet été. Et quand il n'anime pas des conférences, il est assis à son bureau, attelé à la rédaction de son deuxième livre.
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