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Un millier de manifestants à Marseille "contre le scandale des boues rouges" déversées dans les Calanques

L'industriel Altéo a été autorisé à rejeter en mer les résidus issus de l'activité du site de Gardanne (Bouche-du-Rhône) pendant encore six ans. S'il assure que les techniques utilisées sont propres, des associations dénoncent un "droit de polluer". 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une vue sur le parc national des Calanques, dans les Bouches-du-Rhônes, le 21 septembere 2015.  (GARDEL BERTRAND / HEMIS.FR / AFP)

Ils dénoncent une pollution "incolore mais toxique". Environ un millier de manifestants se sont rassemblés devant la préfecture de Marseille, à 14 heures, samedi 30 janvier, pour dénoncer les rejets de produits industriels dans la mer. Associations, écologistes, pêcheurs et riverains demandent "l'arrêt total des rejets dans les Calanques marseillaise", rapporte France Bleu, pointant en particulier l'usine de production d'alumine calcinée d'Alteo, située à Gardanne (Bouches-du-Rhône).

En cinquante ans d'activité, ce site industriel a déversé plus de 20 millions de tonnes de boues rouges, toxiques, sur les fonds marins. Altéo assure que le procédé d'exploitation du site est désormais propre et sans risque pour l'écosystème extrêmement fragile de la mer Mediterranée, sans pour autant convaincre les écologistes. 

Pourquoi cette mobilisation ? 

Fin décembre, la préfecture de la région Paca a annoncé avoir autorisé la poursuite d'activité de l'industriel Altéo et le rejet en mer, pour six ans, d'eaux usées résultant de la production d'alumine, en plein coeur du Parc national des Calanques, à compter du 1er janvier. Une déconvenue pour la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, qui avait fait part un mois plus tôt de son opposition à ce renouvellement. 

"L'ordre est venu du Premier ministre au préfet, direct", avait alors déclaré la ministre. "Je désapprouve cette décision, je n'ai pas du tout changé d'avis, je pense que c'est une mauvaise décision qui est essentiellement suscitée par le chantage à l'emploi", avait-elle ajouté, rappelant que l'usine de Gardanne emploie 400 salariés et 300 sous-traitants.

Une pétition en ligne adressée au préfet a recueilli en un mois plus de 107 000 signatures. Les écologistes, pêcheurs et riverains des calanques dénoncent "un permis de polluer", soit "une décision à l'aveugle", "impardonnable" et "une pollution scandaleuse". Plusieurs centaines de personnes se sont ainsi données rendez-vous samedi devant la préfecture de Marseille, en compagnie d'élus, comme le député européen écologiste José Bové. 

Quelles menaces sur l'environnement ? 

Forts d'études et d'analyses, les militants affirment que ces rejets constituent une menace directe pour la santé et l'environnement. Alteo assure au contraire que "le nouveau procédé d'exploitation du site de Gardanne aboutit à la réduction du flux de métaux rejeté de plus de 99% et constitue en cela une amélioration environnementale et industrielle majeure" grâce à l'utilisation d'un filtre-presse pour retenir les fameuses boues et les stocker en vue de leur valorisation. "Il n'y a plus depuis le 1er janvier 2016 de rejet de boues rouges en mer", affirme l'industriel.

Le caractère toxique de certains des polluants qui continueront à être déversés est pourtant indiscutable, estime pour sa part le professeur Henri Augier, ancien directeur, aujourd'hui à la retraite, du laboratoire de biologie marine de la faculté de Marseille-Luminy, et à la tête d'une association d'usagers (Union Calanques littoral). Il évoque notamment la présence de soude, d'aluminium, d'arsenic, de bore, de cadnium ou de mercure, dont plusieurs sont également "des perturbateurs endocriniens, neurologiques ou sanguins".

"Dans mon labo, nous avons, pendant des années, recueilli des dauphins morts et on observait à l'autopsie des polluants en doses excessives sur des animaux qui sont en bout de chaîne alimentaire [ils concentrent ainsi les produits toxiques]", affirme le scientifique.

Pour Alain Matesi, ingénieur spécialiste du traitement des eaux, ce nouveau processus, qui permet aujourd'hui de rejeter un liquide incolore, n'est qu'un "prétraitement". "L'industriel s'est contenté de les débarrasser de leur partie solide sans traiter", déplore-t-il.

Quelles suites pour cette affaire ? 

La suite de l'affaire pourrait se jouer devant les tribunaux. L'Union calanques littoral va ainsi déposer devant le tribunal administratif un référé pour suspendre l'arrêté préfectoral délivré en décembre.

Un géographe, Olivier Dubuquoy, a pour sa part introduit un recours auprès de la ministre de l'Environnement. "L'arrêté préfectoral permet de rejeter des produits toxiques en infraction notamment avec la convention de Barcelone (1976, qui vise à diminuer la pollution en Méditerranée)", explique-t-il, ce qui fait courir un "risque juridique" au statut de parc naturel.

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