: Vidéo "Il y en a pour des siècles" : un documentaire alerte sur la pollution militaire des sols et fonds marins français
Obus, grenades, torpilles… Tout au long du XXe siècle, des centaines de tonnes d'armes ont été déversées dans les océans, volontairement ou non, ou enfouies dans le sol. Pendant plus d'un an, Martin Boudot, Mathilde Cusin et Manon de Couët, journalistes de l'émission "Vert de rage" ont enquêté sur la pollution générée par ces déchets militaires. Ils rendent compte de leurs investigations dans le documentaire Armes, l'héritage toxique, diffusé lundi 27 mai sur France 5.
Si la grande majorité des armes immergées se trouve dans des navires coulés pendant la guerre et jamais renfloués en raison des risques d'explosion, l'armée française a aussi longtemps pratiqué le déversement en mer de munitions périmées. Le procédé aurait perduré jusqu'au début des années 2000 et contaminé, au fil du temps, des dizaines de sites.
Un procédé délibéré
Le major Marcel Laurence, aujourd'hui retraité, a terminé sa carrière comme commandant de bord de La Fidèle, un bateau de la flotte française dont la mission était d'immerger délibérément des armes et munitions devenues inutilisables.
"C'était quelque chose de commun. Moi, j'ai connu des noyages de munitions quasiment tous les ans. Ils ont joué avec le feu, et puis avec les explosifs."
Le major Marcel LaurenceDans le documentaire "Armes, l'héritage toxique"
En 1997, La Fidèle est ainsi chargée de jeter 1 400 grenades dans une fosse située à 11 km au large de Cherbourg (Manche), quand un grave accident survient. "J'ai entendu une explosion sèche, différente des explosions sous-marine, raconte le major, ce qui m'a fait penser tout de suite qu'une grenade avait explosé. (...) Je n'ai pas eu le temps de réfléchir longtemps : en trois minutes, le bateau était coulé." Cinq membres d'équipage, sur les vingt-deux personnes présentes à bord, perdent la vie.
Des traces d'explosifs dans l'eau du robinet
La mer est ainsi devenue une poubelle particulièrement dangereuse, car les munitions immergées, même périmées, présentent le risque d'exploser ou de libérer des produits toxiques. Les sols et les rivières du Grand-Est, ou le lac de Gérardmer, dans les Vosges, sont aussi contaminés par des métaux lourds libérés par des armes enfouies qui, au fil du temps, s'érodent et fuient. TNT, arsenic, nickel, cobalt, plomb, titane, entre autres, ont ainsi été détectés lors d'analyses.
Ligne de front lors de la Première Guerre mondiale, la butte de Vauquois, dans la Meuse, abrite un camp militaire qui sert aussi d'espace de stockage d'armements.
Un danger pour la santé des riverains. "Pour l'instant, il n'y a aucune recherche obligatoire et réglementaire sur ces résidus d'explosifs en France", déplore Daniel Hubé, géologue au bureau de recherches géologiques et minières, qui étudie cette pollution militaire depuis près de quatorze ans. "Ce sont des pollutions persistantes. "Une fois que c'est introduit dans le sol, vous en avez pour des siècles. Ça ne bougera plus", assure le chercheur.
L'équipe de "Vert de rage" a fait analyser l'eau du robinet de foyers de la région. Les résultats sont sans appel : sur 20 échantillons prélevés, 17 contiennent des résidus d'explosifs, dont certains à des taux dépassant les recommandations de l'agence de santé américaine, la seule norme existante à ce jour.
Le documentaire, Armes, l'héritage toxique, de la série "Vert de rage", réalisé par Martin Boudot, Mathilde Cusin et Manon de Couët, est diffusé lundi 27 mai à 21h05 sur France 5 et sur la plateforme france.tv.
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