Egypte: une nouvelle situation révolutionnaire?
Quarante-six personnes ont été tuées en trois jours à Port-Saïd, Suez et Ismaïliya, les 25, 26 et 27 janvier 2012. Les heurts les plus meurtriers ont eu lieu à Port-Saïd, où 37 personnes ont péri après la condamnation à mort, le 26, de 21 supporteurs du club de football local Al-Masry pour leur implication dans des violences ayant fait 74 morts en 2012, après un match contre le club cairote d'Al-Ahly.
Malgré les élections régulièrement remportées par les partis religieux – et notamment les Frères musulmans –, le pouvoir n’arrive pas à s’imposer dans un contexte économique loin de s'améliorer depuis la révolution.
Déficit budgétaire de 10%
L’Egypte fait face à une grave crise, avec l'effondrement des investissements étrangers, la chute du tourisme et un déficit budgétaire en hausse, notamment. Les réserves de devises ont fondu pour atteindre un «minimum critique» de 15 milliards de dollars, selon la banque centrale. La monnaie nationale est à son niveau le plus bas face au dollar. Un prêt du FMI de 4,8 milliards de dollars, espéré fin 2012, doit faire l'objet de nouvelles négociations.
Témoin de la tension et des inquiétudes qui règnent dans le pays, la livre égyptienne était en chute le 28 janvier face au dollar.
Les violences actuelles ne peuvent que peser sur une des principales richesses du pays : son tourisme. Si la fréquentation a progressé en 2012 par rapport à 2011, avec 11,5 millions de touristes, les chiffres de fréquentation 2012 sont encore loin de ceux de 2010, lorsque 14,5 millions de personnes ont visité l'Egypte. Pour 2013, la situation actuelle risque de peser lourd.
La croissance est paralysée et le chômage grimpe, notait le FMI récemment, en soulignant la hausse du déficit budgétaire.
Pour l’économiste Pascal Devaux, expert du Proche et du Moyen-Orient chez la banque BNP Paribas, la situation est grave : «Les problèmes déjà existants en Egypte se sont aggravés après la révolution. Le déficit budgétaire s'élève à 10% du Produit intérieur brut. Pour se refinancer, le pays fait appel à des bailleurs de fonds internationaux, faute de moyens sur le marché local», rapportait RFI.
«Morsi égale Moubarak»
En plus, la révolution semble ne pas avoir changé le quotidien. «À la sortie de l'usine de textile Ghazl el Mahalla, la plus importante de la ville de Mahalla, le poumon industriel du pays où ont débuté les manifestations anti-Moubarak avant la révolution, les mines sont fatiguées. La plupart des ouvriers gagnent entre 50 et 200 euros par mois, des salaires qui leur permettent difficilement de vivre, mais la révolution n'a rien changé», rapporte le média allemand Deutsche Welle.
Côté politique, la situation paraît bloquée. Le président Morsi a décrêté l'état d'urgence dans les régions en crise. Il a fait appel à l'opposition pour tenter d'ouvrir un dialogue. Mais le FSN (regroupement de l’opposition laïque) a pris des positions très tranchées contre Morsi. L'opposition dénonce «l'accumulation des erreurs par le régime des Frères musulmans et son incompétence qui engendrent la dégradation de l'économie et des souffrances accrues pour des millions de gens».
Recours à l'armée ?
Résultat, c’est bien la déception et la colère qu’on perçoit dans ces slogans de la révolution, qui sont les mêmes qu’il y a deux ans : «Du pain, la liberté, la justice sociale et la dignité humaine» que tous reprennent en cœur. Sur les affiches, on peut lire : «Non aux Frères musulmans», «Nous voulons une nouvelle Constitution » ou encore «Morsi égale Moubarak», résume l’envoyée spéciale de RFI en Egypte, Véronique Gaymard.
Aux dernières nouvelles, le gouvernement égyptien a approuvé un projet de loi autorisant le président Mohamed Morsi à déployer l'armée dans les rues pour participer avec la police au maintien de l'ordre. Il sera peut être difficile de lui faire regagner les casernes.
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