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Comment rendre légitime une intervention militaire en Syrie?

Alors que le Conseil de sécurité des Nations unies est paralysé sur la situation en Syrie, les Etats-Unis et leurs alliés réfléchissent à d'autres solutions pour légitimer une intervention militaire. Parmi les plus probables, un scénario proche de celui mis en place, en 1999, lors de l'opération armée de l'Otan au Kosovo, ou l'utilisation d'une résolution de l'Onu de 2005 qui permet de "protéger les populations en cas de crimes de guerre".
Article rédigé par Matthieu Mondoloni
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (Brendan McDermid Reuters)

La situation est bloquée, paralysée au Conseil de sécurité de l'Onu. Depuis le début de la crise syrienne, en mars 2011, la Russie, alliée de Bachar al Assad, et la Chine ont opposé à trois reprises leur veto de membre permanent à des projets de résolution qui condamnaient le président syrien et appelaient à des mesures de rétorsion contre son gouvernement.

Mais la situation a évolué ces derniers jours en Syrie, où l'opposition accuse les forces gouvernementales d'avoir gazé des populations civiles dans la banlieue de Damas, faisant plusieurs centaines de morts.

Si les Etats-Unis et leurs alliés jurent ne pas encore avoir arrêté de décision, les pressions se font de plus en plus fortes contre le régime de Bachar al Assad, et le scénario d'une intervention armée se met peu à peu en place. Londres annonçait encore ce mardi matin "préparer des plans pour une possible action militaire" en Syrie, et envisageait de convoquer ce mardi le Parlement, actuellement en vacances, pour y débattre d'une éventuelle intervention.

Cette action est-elle possible sans l'aval du Conseil de sécurité de l'Onu? Oui, répondent de nombreux spécialistes des relations internationales. Plusieurs scénarios permettraient de passer outre les vétos russes ou chinois.

Le précédent du Kosovo "Le Conseil de sécurité de l'Onu n'est pas le seul et unique gardien de la légalité et de la légitimité" , relève Richard Haas, président du Council on Foreign Relations. "Comme il l'a été beaucoup rappelé, il avait été contourné au moment du Kosovo (où l'intervention armée de l'Otan en 1999 dans l'ancienne province serbe contre les forces de Slobodan Milosevic s'est faite sans mandat de l'Onu)" .

Pour lui, une frappe sur la Syrie pourrait trouver sa légitimité dans une "coalition de volontaires" dont les contours s'esquissent déjà. La Ligue arabe occuperait alors le rôle tenu par l'Otan au Kosovo, en appuyant une opération militaire menée par les Etats-Unis, avec le Royaume Uni, la Turquie ou encore la France. Une réunion des chefs d'état-major des forces armées de plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis, et moyen-orientaux s'est d'ailleurs tenue ce lundi à Amman.

La résolution du 16 septembre 2005 Autre justification à une intervention militaire en Syrie, sans l'approbation du Conseil de sécurité, la résolution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Onu le 16 septembre 2005. Elle oblige les Etats à protéger les populations civiles, notamment en cas de crimes de guerre, comme l'explique Mario Bettati, professeur émérite à l'Université de Paris 2 et inventeur du droit d'ingérence.

 

L'article 51 ou la légitime défense L'Onu pourrait apporter un autre cadre à une intervention contre le régime de Bachar al Assad, grâce à l'article 51 de la Charte des Nations Unies. Il évoque "le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales".

En théorie, des pays comme la Turquie ou Israël pourrait donc réclamer la mise en oeuvre d'une "légitime défense collective" du fait des violences commises à leurs frontières avec la Syrie. Mais des diplomates jugent cette option difficile à mettre en oeuvre.

Mobiliser l''Assemblée générale des Nations unies Une autre voie mène à une résolution adoptée en 1950, la résolution "Union pour le maintien de la paix" qui permet à l'Assemblée générale des Nations unies de se réunir dans l'urgence "dans tout cas où paraît exister une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte l'agression et où, du fait que l'unanimité n'a pas pu se réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité manque à s'acquitter de sa responsabilité principale dans la maintien de la paix et de la sécurité internationales ".

Sans opter formellement pour cette voie, Washington et ses alliés pourraient tenter d'obtenir un soutien politique de l'Assemblée générale de l'Onu via un texte non contraignant. "La Chine et la Russie (...) pourraient être mises très largement en minorité à l'Onu, et l'Assemblée générale pourrait apporter un soutien politique à une action militaire même si le Conseil de sécurité est paralysé" , confirme Richard Gowan, expert en relations internationales à la New York University.

La difficulté de cette option tient à son calendrier de mise en oeuvre. Celui-ci pourrait être jugé trop long alors que les appels à une intervention "en urgence" se multiplient.

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