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Chypre : rebondissements en chaîne autour de la taxe exceptionnelle sur les dépôts

Devant le tollé suscité par la taxe sur les dépôts bancaires, Nicosie va "introduire plus de progressivité". Les dépôts inférieurs à 100 000 euros devraient être exonérés.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Des Chypriotes protestent contre la taxe instituée sur leurs dépôts bancaires dans le cadre du plan de sauvetage de l'île, le 18 mars 2013 à Nicosie. (PATRICK BAZ / AFP)

La zone euro lâche du lest après une réunion téléphonique organisée en urgence, lundi 18 mars. La taxe polémique sur les dépôts bancaires, imposée à Chypre en contrepartie du plan de sauvetage de 10 milliards d'euros conclu samedi, va sans doute être assouplie pour ne pas pénaliser les petits déposants, qui en seraient dispensés. Les dépôts supérieurs à 100 000 euros seraient en revanche taxés à 15,6%, contre 9,9% prévu initialement. Retour en actes sur l'histoire de cette taxe inédite.

Acte 1 : le principe d'une taxe sur les dépôts 

Tout débute dans le nuit de vendredi à samedi, au cours d'une négociation pour parachever l'aide accordée à Chypre. A la clé, une aide de 10 milliards d'euros, ce qui représente plus de la moitié de son PIB. Après la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne, Chypre devient le cinquième pays de l'Union européenne à faire l'objet d'un plan d'aide international.

Mais il manque encore plusieurs milliards d'euros pour sauver les banques et faire tourner l'Etat pendant trois ans. Après avoir écarté l'idée d'un prêt, le président de la Banque centrale européenne aurait fini par convaincre le président chypriote, Nicos Anastasiades, de mettre à contribution les épargnants du pays. Le chef de l'Etat aurait décidé d'appliquer une taxe à l'ensemble des épargnants, pour protéger la réputation de place financière de l'île et pour ménager les déposants étrangers, notamment russes. Selon les informations du Financial Times et des Echos, l'Eurogroupe n'avait pas réclamé que les petits déposants soient taxés. 

Acte 2 : le président annonce la douloureuse

Cette taxe inédite, de 6,75% sur les dépôts inférieurs à 100 000 euros et de 9,9% au-delà, devrait rapporter 5,8 milliards d'euros, qui s'ajouteraient à 10 milliards prêtés par la zone euro et le FMI. Nicos Anastasiades en défend le principe dans un discours télévisé à la nation, dimanche 17 mars au soir.

C'est là que les versions divergent, puisque le président annonce qu'il se bat "pour que l'Eurogroupe amende ses décisions dans les prochaines heures pour limiter l'impact sur les petits déposants". Or, dans un communiqué (en anglais) publié lundi, l'Eurogroupe dit "continuer de penser qu'il faudrait traiter les petits épargnants différemment", sous-entendant que cette position a toujours été la sienne.

Acte 3 : tollé à Chypre

A Nicosie, plusieurs centaines de manifestants se rassemblent devant le Parlement lundi après-midi, clamant "Non à l'euro" ou encore "Nous ne serons pas vos cobayes". Le Parlement chypriote reporte son vote sur le plan de sauvetage à mardi. La réouverture des banques est repoussée à jeudi, de crainte de voir les Chypriotes se ruer aux guichets pour retirer leurs économies. 

Acte 4 : nouvelle réunion d'urgence, la taxe assouplie

Dans la soirée, les ministres des Finances de la zone euro se concertent. Ils estiment que les épargnants doivent être traités différemment selon l'importance de leurs économies. En clair, la taxe ne doit concerner que les dépôts supérieurs à 100 000 euros.

"Les autorités chypriotes vont introduire plus de progressivité en ce qui concerne la taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires par rapport à ce qui a été décidé le 16 mars, à condition que (...) cela ne modifie pas le montant total de l'aide financière" des Européens et du FMI, indique l'Eurogroupe dans un communiqué (en anglais).

Seul impératif, la nouvelle taxe doit rapporter 5,8 milliards d'euros. Et puisque les dépôts inférieurs à 100 000 euros sont épargnés, le montant de la taxe passe donc à 15,6% au lieu des 9,9% prévus.

Acte 5 : le Parlement chypriote doit trancher

La balle est maintenant dans le camp du Parlement chypriote, qui doit débattre de la taxe et la voter, mardi. Mais le président Nicos Anastasiades n'y dispose que de 28 voix sur 56. Autant dire que les discussions risquent d'être agitées. Le porte-parole du gouvernement chypriote a affirmé mardi que le Parlement "n'approuverait semble-t-il pas la taxe sur les dépôts bancaires". Et qu'il faudrait réfléchir à "une nouvelle formule".

En attendant, le gouverneur de la Banque centrale, Panicos Demetriades, a estimé que le projet de loi amendé ne permettrait pas de lever les 5,8 milliards d'euros exigés.

Selon l'agence Reuters, qui a pu consulter le projet présenté par le gouvernement, le texte ne prévoit qu'une légère modulation. Il introduit une exonération pour les dépôts jusqu'à 20 000 euros et maintient les précédents taux :  6,75% pour les comptes compris entre 20 000 et 100 000 euros, et 9,9% au-delà. 

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